Les méthodes contraceptives se diversifient après le scandale de la pilule « Diane 35 »
Rédigé par Emmylou Drys , le 14 May 2014 à 15h00
La pilule "Diane 35". Crédit photo : FranceInfo
l’INED et l’INSERM ont publié le 13 mai le résultat de l’étude « Fécond » qui prouve que suite au scandale l’an passé autour des pilules de 3ème et 4ème générations, les français(es) se sont dirigés vers un autre mode de contraception.
Quelle est votre méthode contraceptive favorite? Pilule ? Stérilet ? Vous ou quelqu’un de votre entourage a peut-être modifié ses habitudes suite au débat contre les potentiels risques sur la santé des pilules 3ème et 4ème génération, notamment la fameuse « Diane 35 ». Retour sur le débat médiatique et sur ses conséquences à ce jour.
Des risques de thrombose
Fin 2012 début 2013, une jeune femme dépose une plainte contre la pilule contraceptive « Diane 35 » qu’elle accuse être à l’origine de son AVC (accident vasculaire cérébral). Par la suite, une quinzaine de plaintes contre des pilules dites de 3ème et 4ème générations entérinent le débat. Celles-ci contiennent de nouveaux progestatifs (hormone secrétée en milieu du cycle menstruel) censés atténuer les effets secondaires de la prise d’une pilule comme le gonflement des seins ou encore les nausées.
L’autorisation de mise sur le marché (AMM) de « Diane 35 », à l’origine du débat, est pour son action anti-acnéique, ses qualités contraceptives n’étant pas prouvées scientifiquement. Pourtant, nombreuses sont les femmes à la prendre sous cette fonction.
Bien qu’aucune étude scientifique n’ait été reconnue sur les dangers de « Diane 35 », une recherche danoise avait estimé que le risque de thromboembolique veineuse (maladie pulmonaire) était 6,68 fois supérieur qu’avec une pilule classique. Marisol Touraine, ministre de la Santé avait alors à ce moment lancé une mise en garde sur la prise des pilules 3ème et 4ème générations et avait rappelé que d’autres méthodes contraceptives existaient.
Une contraception discriminante
L’étude « Fécond 2013 » à l’initiative de l’INSERM (Institut national de la santé et de la recherche médicale) et l’INED (Institut national des études démographiques) met en avant qu’il n’y a pas eu de désaffectation envers la contraception, seul 3 % de la population ne se protège pas, un chiffre stable.
Avec le scandale autour des pilules, une française sur cinq a changé de méthode de contraception récemment. Le rapport souligne également que ce sont surtout les pilules 3ème et 4ème générations qui ont subi la plus grosse chute de consommation. Pour autant, la pilule reste le moyen de contraception prépondérant en France.
Point négatif, le rapport « Fécond 2013 » note que le changement de contraception a mené à des inégalités sociales. Les classes les plus défavorisées se sont tournées vers les méthodes naturelles comme le retrait de l’homme avant éjaculation par manque de moyens financiers, mais ces méthodes sont loin d’être sûres pour éviter la grossesse. Le stérilet a lui gagné 1.9 points et l’usage du préservatif 3.2 points.
La ministre de la Santé réaffirme dans un communiqué de presse que la contraception pour les mineures est gratuite, et que les frais des consultations liées n’ont plus besoin d’être avancés. Elle répète également que la TVA sur les préservatifs est passée de 10 % à 5 % au premier janvier 2014 et elle « tient à rappeler que la contraception est un enjeu majeur de santé publique, mais c’est aussi et avant tout ce qui permet à des millions de femmes d’exercer librement leur droit à disposer de leur corps. »
Allo-Médecins a voulu en savoir plus et a interrogé pour vous le docteur Thomas Brault, médecin généraliste à Châteaugiron en Ille-et-Vilaine.
Allo-Médecins : Avez-vous remarqué que les femmes désiraient changer de moyen de contraception suite au scandale de « Diane 35 » ?
Dr Brault : Elles désiraient en discuter en tous cas et savoir quelle génération de pilule elles prenaient. Changer de contraception pas forcément, mais changer de génération de pilule quelques mois après le débat, oui. Après, cela s’est essoufflé.
A-M : Quelles sont les alternatives à la pilule ?
Dr Brault : Il y a du hormonal et non hormonal. Dans les moyens hormonaux il y a le stérilet mirena qui contient des progestatifs. L’implant contraceptif contient les mêmes hormones que ce dernier mais il n’y a pas ce risque de thrombose. Egalement l’anneau vaginal et le patch contraceptif, qui eux finalement contiennent les mêmes hormones qu’une pilule.
Dans les moyens non hormonaux il y a les préservatifs et les spermicides qui sont moins efficaces. Le stérilet non hormonal, en cuivre, est plus destiné aux femmes qui ont déjà eu des enfants. La pose de ce dernier peut engendrer des complications de procréation, d’infertilité. On propose parfois des stérilets à des femmes jeunes mais ce n’est pas la plupart des cas. En théorie, elles peuvent porter des stérilets mais c’est moins fait et les femmes sont moins demandeuses.
A-M : Et en termes d’efficacité ?
Dr Brault : Les plus efficaces sont le stérilet et l’implant, l’injection hormonale également, ces trois moyens sont quasiment sûrs à 100 %. La pilule, si elle est prise correctement vient juste derrière. L’anneau et le patch dépendent de la façon dont on l’utilise mais tout cela est d’une efficacité presque équivalente. Après, il y a les méthodes contraceptives naturelles comme la courbe des températures ou la période de menstruation qui ont des chiffres d’efficacité qui sont beaucoup moins bons.
A-M : Que recommandez-vous aux femmes qui utilisent tout de même la méthode naturelle ?
Dr Brault : Si une femme veut le faire par conviction, c’est un choix tout à fait libre mais je m’assure qu’elle ait bien conscience des risques. J’explique que le risque de grossesse est important et que si cela arrive, il faut savoir réagir. Dans le cas où il y a eu erreur de calcul de la période d'ovulation et de menstruation par exemple, la prise de la pilule du lendemain est toujours possible.
A-M : Est-ce qu’il est aujourd’hui sûr de prendre des pilules de 3ème et 4ème génération ?
Dr Brault : Le débat pour nous n’a rien changé. Les risques de thrombose on les connaissait avant et ils sont toujours là. Ce qui a changé c’est une prise de conscience du grand public qui se rend compte que la pilule n’est pas un médicament anodin.