Google veut envoyer des molécules espions dans notre sang pour détecter des maladies
Rédigé par Laure Hanggi , le 30 October 2014 à 17h59

Des molécules
Annoncée mercredi 29 octobre dans un communiqué de presse, la volonté de Google de développer un nouveau type de médecine et de diagnostic ne laisse personne indifférent. L'engouement entourant le projet d'utilisation de nanoparticules pour détecter de manière précoce cancers, AVC et crises cardiaques n'a cependant pas touché la totalité du monde scientifique. Quelques voix appelant à la prudence se font en effet entendre.
Développer la médecine proactive
Les annonces faites par Google concernant les innovations de santé qui sortent de ses « laboratoires » s'enchaînent depuis quelques mois. Google X, son département recherche, multiplie ainsi ses annonces détonantes, chacune confirmant la volonté du géant du web de miser sur la médecine « proactive ». Celle-ci vise à détecter les signes annonciateurs de certaines maladies pour pouvoir en enrayer le développement. C'est dans cette optique que Google a mis au point récemment son programme « Baseline Study », dont le but est de réaliser le séquençage génétique de milliers de personnes volontaires et en bonne santé, afin d'identifier de nouveaux « biomarqueurs » prédictifs du risque de certaines maladies.
C'est dans le même esprit que Google a annoncé hier, mercredi 29 octobre dans un communiqué de presse, sa volonté de développer des nanoparticules qui détecteraient des pathologies telles que le cancer ou les risques de crises cardiaques et d'AVC.
Comme l'explique ce communiqué, « les nanoparticules pourraient être ingérées sous la forme de comprimés afin de pénétrer dans le sang. Elles seraient conçues pour repérer et se fixer sur un type particulier de cellules, comme les cellules tumorales ». Ces nanoparticules seraient en effet conçues pour venir s'amonceler sur des cellules bien précises. Celles-ci seraient ensuite traquées à l'aide d'un objet connecté spécifique, qui signalerait toute activité suspecte.
Pour Google, il s'agit « d'aider les médecins à détecter les maladies dès leurs prémices [afin de] transformer radicalement le diagnostic médical. » Andrew Conrad, le directeur du département « Science et Vie » de Google a explicité : « Nous voulons passer d’un diagnostic réactif, effectué une fois que la maladie s’est déclenchée, à un diagnostic proactif, qui se ferait tout au long de la vie ».
Si ce projet est déjà bien établi sur le plan technique, la firme cherche toujours des partenaires capables de développer des applications découlant de cette technologie. Google va ainsi continuer à travailler sur ce projet, tout en le proposant sous licence, afin d'engager des partenariats.
Une technologie pas si nouvelle que ça
Cette utilisation des nanotechnologies, présentée comme une petite révolution (si ce n'est de la science-fiction dans certains médias), est déjà bien implantée dans de nombreux laboratoires. Ces nanotechnologies se sont en effet imposées depuis plusieurs années comme un axe majeur de la détection des cellules tumorales. Il y deux ans déjà, May C. Morris, directrice de recherche au CNRS (Montpellier), affirmait la « puissance de frappe dans le domaine du cancer » que représentent les nanotechnologies. Google a cependant l'avantage de sa puissance communicationnelle, allant de pair avec une volonté de fer de s'imposer comme un acteur majeur de l'émergence de la médecine proactive.
De son côté, Agnès Buzyn, présidente de l'Institut national du cancer (InCA) et spécialiste des cancers du sang, appelle à la prudence face à ce type d'annonce. Selon elle, ce projet, loin d'être une « solution », serait plutôt un « outil supplémentaire » de la médecine : « C'est une prouesse technologique qu'ils visent à terme. Est-ce que ce sera une révolution médicale dans le sens où cela balaiera tout ce dont on a besoin actuellement pour poser un diagnostic ? Cela me paraît contradictoire avec ce que l'on connaît actuellement de la biologie pour les tumeurs », s'interroge la spécialiste. Agnès Buzyn insiste également sur le fait qu'un diagnostic ne peut reposer uniquement sur une technique, mais en appelle en réalité à de nombreux facteurs différents.
La technologie dont Google présente les prémices aujourd'hui a encore beaucoup de chemin à parcourir. En effet, une dizaine d'années sera dans doute nécessaire pour développer le dispositif imaginé par Google, et une quinzaine d'années pour que cette «pilule » n'arrive dans les hôpitaux.