Ébola : 13 patients sauvés grâce à un traitement anti-VIH
Rédigé par Laure Hanggi , le 29 September 2014 à 17h35
Un médecin opérant au Liberia a sauvé 13 personnes du virus Ébola (sur les 15 traitées) en leur administrant un antiviral utilisé dans la lutte contre le Sida. Un pari fou révélateur du désespoir entourant la lutte contre l'épidémie.
Une région dépassée par l'épidémie
Dans un reportage diffusé par CNN ce samedi 27 septembre, la chaîne américaine s'intéresse au Dr Gobee Logan, médecin au Liberia confronté au virus Ebola depuis le début de l'épidémie. Exerçant dans le Nord Ouest du pays dans la région de Tubmanburg, le Dr Logan est l'un des deux médecins du Comté de Boni, qui ont la charge de près de 85 000 personnes. Depuis que le premier cas d'Ebola a été détecté en juin dernier, la charge de travail a dépassé ce que deux médecins seuls peuvent assurer. Le Liberia est en effet le pays le plus touché par l'épidémie, regroupant plus de la moitié des victimes. La région où le Dr Logan exerce n'a pas de centre de traitement, ce qui rend l'épidémie difficile à endiguer. Les malades ne sont pas isolés correctement et ils ne peuvent être transférés vers les centres les plus proches déjà débordés.
C'est dans ce contexte que le Dr Logan, dépassé par le nombre de malades infectés, a tenté une expérience thérapeutique inhabituelle, en se tournant vers les médicaments utilisés contre le sida. La lutte contre ce dernier rend en effet facilement accessibles ces médicaments. Après avoir administré sans succès à un de ses patients de l'acyclovir (un antiviral), il s'est tourné vers la lamivudine, dont les résultats ont été plus concluants. Le médecin a déclaré s'être orienté vers ce traitement après avoir lu dans des publications scientifiques que le VIH et Ébola avaient des mécanismes de réplication similaires dans le corps humain. Pour lui, les deux maladies ne sont pas étrangères : « Ebola est née de l'imagination du VIH, c'est une souche destructrice du VIH ».
Une méthode controversée
Pour le Dr Logan, les résultats de cette expérimentation sont la preuve que la lamivudine peut être utilisée dans le traitement d'Ébola. En effet, sur les 15 personnes traitées, 13 ont survécu, ce qui divise le taux de mortalité par dix comparé à celui observé jusqu'à présent en Afrique de l'Ouest. Ce sont les malades ayant reçu le traitement moins de 5 jours après l'apparition des symptômes qui ont survécu (ce qui n'était pas le cas pour les deux autres personnes décédées). Le Dr Logan est « sûr que ce médicament peut aider si les patients se présentent rapidement ». Les survivants ont ainsi témoigné dans le reportage de CNN de l'amélioration de leur état de santé après avoir été traité par la lamivudine.
Le Dr Logan est tout à fait conscient des effets secondaires, notamment hépatiques de cette molécule. Son expérimentation ne répond pas non plus aux critères occidentaux pour de telles pratiques. Pour les chercheurs américains, en effet, seule une large étude solide pourra prouver l'efficacité d'un tel traitement. Le médecin se justifie : « Des gens sont en train de mourir et vous parlez d'études? En tant que médecin et compte-tenu de la situation, je dois tout faire pour tenter de sauver des vies ».
Un potentiel à exploiter
Malgré les questions éthiques et sanitaires qui se posent, plusieurs membres éminents de la profession médicale ont manifesté un vif intérêt dans cette expérimentation. Le Pr Anthony Fauci, directeur de l'Institut National Américain des Allergies et Maladies Infectieuses, interrogé par CNN ne considère pas cette approche comme étant dénuée de fondements théoriques, la lamivudine étant proche d'autres molécules expérimentées à ce jour face à Ebola. Les deux hommes devraient entrer en contact d'ici peu pour poursuivre les efforts instaurés par le Dr Logan. Autre exemple, le Pr Peter Piot, qui a co-découvert le virus Ebola, s'est montré également curieux : « c'est là une observation très intéressante. Elle est à vérifier d'urgence, y compris au plan de l'activité antivirale in vitro ».
Cette expérimentation, révélatrice du désespoir que crée Ébola, témoigne des conditions dans lesquelles les médecins sur le terrain peuvent se retrouver. Des situations précaires pour une épidémie qui a déjà tué au moins 2917 personnes selon le dernier bilan de l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS).