Lutte contre le Sida en Afrique : entre avancées et nouveaux défis
Rédigé par La Rédaction , le 29 July 2016 à 10h30
Une femme et son enfant
Les avancées de la recherche, les innovations en prévention et la meilleure prise en charge ont permis de faire reculer le nombre de contamination du VIH, et de sauver la vie d’un grand nombre de malades. Pour autant, nous ne sommes pas égaux devant le virus. Plusieurs initiatives comptent changer la donne, en particulier pour les populations les plus vulnérables du continent africain.
La 21e conférence internationale sur le sida s’est tenue le 18 juillet dernier à Durban (Afrique du Sud), pays parmi les plus touchés par l'épidémie. Les objectifs de ce rendez-vous étaient de faire le point sur la situation mondiale et de relancer les efforts contre l’épidémie, qui a fait plus de 30 millions de morts. Quelque 18 000 scientifiques, praticiens, militants, juristes et bailleurs de fonds y ont pris part. Le ton a été plus sobre que lors de la 19e édition, à Washington, où l’on proclamait la fin programmée du virus, certains allant même jusqu’à envisager son éradication très prochaine. Et pour cause : le VIH infecte encore 2,5 millions de personnes par an. De plus, devant le sida, les inégalités mondiales réapparaissent : plus de 90 % des personnes vivant avec le VIH résident dans les pays en développement et plus de 75 % des cas d'infection sont recensés sur le continent le plus pauvre de la planète : l'Afrique.
Les inégalités ne s’arrêtent pas aux frontières. Les femmes sont plus particulièrement touchées : elles représentent plus de 60 % des malades sur le continent. Des études ont montré que les taux d'infection par VIH chez les jeunes femmes peuvent être 3 à 5 fois plus élevés que chez les hommes du même âge. Plus tragique encore, les enfants restent les plus affectés par le virus. Aujourd’hui, le VIH demeure « la première cause de mortalité » chez les personnes âgées de 10 à 19 ans en Afrique d’après le directeur exécutif de l’Unicef, Anthony Lake. Pour cette catégorie, « le nombre de morts liées au sida parmi les adolescents âgés de 15 à 19 ans a plus que doublé depuis 2000. » De plus, on sait que les trois quarts de ces infections concernent des jeunes filles.
L’impact du sida ne se mesure d’ailleurs pas qu’en nombre de malades. Les conséquences économiques et sociales sont également majeures. S’il est très difficile de chiffrer les répercussions d’une maladie, on dispose d’indicateurs qui soulignent les difficultés posées par une épidémie. Frais de santé publique, incapacité de travail, menace de la sécurité alimentaire … On sait également que la croissance économique s’indexe sur l’espérance de vie – il est généralement admis que 0,5 % de croissance économique est gagné pour chaque 5 ans d’espérance de vie supplémentaire. Avec une espérance de vie à 49 ans, la croissance économique de l’Afrique se trouve lourdement handicapée. La commission « Macroeconomics and Health » du Forum économique mondial a estimé que pour l’ensemble de l’Afrique, le SIDA coûterait entre 11,7 % et 35,1 % du PNB annuel.
Pour venir en aide aux personnes les plus défavorisées, il est crucial de contribuer à la prise en charge des malades. Ainsi, l’initiative « 3 by 5 », a permis d’élargir à 3 millions de bénéficiaires les traitements à la fin 2005 (ils n’étaient que quelques centaines de milliers auparavant). En 2012, une nouvelle initiative a vu le jour : « 15 by 15 ». Cette fois, elle a permis de traiter 15 millions de personnes vivant avec le VIH. Malgré ces progrès, depuis, la mobilisation financière s’est essoufflée : le bilan conjoint de la Kaiser Family Foundation et d’Onusida, publié en juillet, nous apprend que les dépenses des gouvernements donateurs « ont diminué de plus d’un milliard de dollars (7,53 milliards en 2015, comparés à 8,62 milliards en 2014), une diminution de 13 %. »
Il faut néanmoins se féliciter des progrès accomplis. Près de 17 millions de personnes sont traitées, soit le double de 2010 et 22 fois plus qu'en 2000. De plus, les nouvelles infections au VIH ont chuté de 38% depuis 2000 et les décès liés au sida ont chuté de 35% depuis le pic de 2005. Des politiques actives de lutte contre la transmission du VIH de la mère à l'enfant ont réussi à faire passer les nouvelles contaminations des enfants de moins 15 ans de 290 000 à 150 000 par an en Afrique du Sud. « Il y a 16 ans, en Afrique du Sud (…) il y avait la négation même du sida, aujourd'hui l'Afrique du Sud est devenue le pays phare pour la lutte contre le sida, tant au niveau des moyens que de la recherche qui est très avancée », se félicitait Jean-Francois Delfraissy, directeur de l'Agence nationale de recherche sur le sida et les hépatites virales (ANRS).
Ces avancées ont été rendues possibles par un changement de mentalité. Le sida est de moins en moins considéré comme un tabou qu’il faut honteusement dissimuler. Tout doit être fait pour faciliter la prévention. Dans ce domaine, l'Organisation des Premières Dames d’Afrique contre le VIH/sida (OPDAS) a elle aussi grandement contribué à la lutte contre le VIH, notamment par l’action de la Première Dame de Côte d’Ivoire, Dominique Nouvian Ouattara, qui s’est imposée comme une des voix porteuses du combat de l’organisation, en s’engageant activement à réduire la vulnérabilité des jeunes femmes et des adolescents. Pour elle, il faut « en finir avec le système du vase clos » et les jeunes femmes doivent être « autonomisées. »
La 17ème assemblée générale de l’OPDAS qui s’est tenue en marge du 27éme sommet de l’Union africaine a été l’occasion pour la Première Dame ivoirienne de faire le point. « Il nous faut redoubler d'efforts en matière de prévention et d'accès aux traitements antirétroviraux (ARV) des jeunes et adolescents, notamment les filles, au risque de compromettre l'avenir de nos nations respectives, puisque les jeunes constituent le fer de lance pour le développement de nos pays. » Mme Nouvian Outtara s’est également montrée positive, avec un message porteur d’espoir : « nous pouvons réussir ce combat en créant une coalition mondiale : gouvernements, partenaires techniques et financiers et société civile. » Rappelons que l’un des Objectifs de développement durable (ODD) est de mettre un terme à l’épidémie d’ici à 2030.