Les taxes sur le tabac affectent la consommation d’alcool
Rédigé par Laure Hanggi , le 25 September 2014 à 12h25
Dans une étude publiée ce mercredi 24 septembre, une équipe de chercheurs américains a démontré l’existence d’une corrélation entre la hausse du prix du tabac et la diminution de la consommation de différents alcools. Un impact pas si surprenant que cela selon eux.
Alcool et tabac : un couple choc
Des chercheurs de la Washington University School de Saint-Louis dans le Missouri (États-Unis) se sont intéressés de plus près à la corrélation entre les consommations de tabac et d’alcool. Leurs conclusions, publiées en ligne dans la revue de la Société Internationale de recherche biomédicale sur l’alcoolisme, Alcoholism : Clinical & Experimental Research, apportent de la matière à ce qui est bien connu des addictologues. Ces derniers considèrent en effet depuis longtemps que les comportements découlant de la consommation de tabac et d’alcool sont complémentaires.
Les chercheurs se sont donc tournés vers les ventes d’alcool entre 1980 et 2009, ainsi que vers la fluctuation du prix du tabac, pour comparer et analyser ces données. La consommation d’alcool a elle-même été divisée en plusieurs catégories, suivant le type de boisson consommé : bière, vin ou spiritueux. Suite à cette étude, ils en sont venus à la conclusion que les taxes portant sur les cigarettes, ainsi que l’interdiction de fumer à l’intérieur des établissements avaient joué un rôle dans la réduction de la consommation d’alcool. « Nous avons observé qu’entre 1980 et 2009, les augmentations du prix des cigarettes et les mesures d’interdiction dans les lieux publics ont conduit à diminuer le taux d'alcool consommé par habitant", explique Melissa Krauss, épidémiologiste à l’école de médecine de la Washington University, et auteure principale de l’étude.
Jamais l’un sans l’autre ?
Ces résultats ne sont pas surprenants pour l’équipe de chercheurs. Les fumeurs sont plus enclins à consommer de l’alcool que les non-fumeurs. Les études montrent que les personnes dépendantes au tabac sont plus disposées à le devenir également à l’alcool. « Les fumeurs boivent plus et plus fréquemment que les non-fumeurs, et ils sont plus à risque de développer une dépendance à l’alcool », affirme Kelly Young-Wolff, co-auteure de l’étude. Pour Melissa Kraus, l’explication est très simple : « Lorsqu’ils boivent de l’alcool, les fumeurs ressentent généralement un besoin irrépressible de s’allumer une cigarette. Certaines personnes ne fument même que lorsqu’elles sont amenées à boire un verre. »
Ainsi, pour un paquet de cigarettes coûtant 20 % plus cher, on note une consommation de bière en baisse de 2 %. L’interdiction de fumer dans les bars et lieux de travail a entraîné une baisse de la consommation de bière de 4 %, et de 11 % pour les spiritueux. Le lien entre alcool et tabac est tellement fort que dans certains lieux tels que les bars ou les restaurants, l’un existe difficilement sans l’autre. « Les résultats de cette étude mettent en lumière l’importance d’étudier les interactions [entre] l’alcool et le tabac » déclare Kelly Young-Wolff.
Le vin, un alcool à part
Toutes les fluctuations et tendances notées pour la bière et les spiritueux n’apparaissent pas dans le cas du vin. Pour Melissa Kraus, cela vient du fait que « les gens qui préfèrent boire de la bière ou des spiritueux sont plus susceptibles d’être des fumeurs que les personnes qui boivent du vin. » Pour les chercheurs, et dans le cadre d’une consommation modérée, les buveurs de vin ont plus de chances « d’avoir un mode de vie plus sain et un [meilleur] niveau d’éducation que ceux qui préfèrent d’autres types de boissons alcoolisées. »
Ces conclusions ne doivent pas rester lettre morte, et doivent aboutir à des actions. Pour Richard Grucza, maître de conférence en psychiatrie à la Washington University, ces interactions pourraient jouer un rôle dans la lutte contre l’alcoolisme. En effet, les oppositions à l’augmentation des taxes sur l’alcool sont légèrement plus marquées que celles sur le tabac. Renforcer les restrictions sur le tabac « pourrait être une stratégie pour s’attaquer au problème de l’alcool » conclut Gruzca. Une stratégie pour un enjeu majeur, l’alcool tuant chaque année plus que n’importe quelle autre drogue, hormis le tabac.