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Un gynécologue congolais récompensé pour son action en faveur des femmes victimes de violences sexuelles

Rédigé par , le 23 October 2014 à 15h06

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Le drapeau de la République Démocratique du Congo

Le drapeau de la République Démocratique du Congo

Denis Mukwege a reçu mardi 21 octobre le prix Sakharov « de la liberté de l'esprit », décerné par le Parlement européen. Récompensé pour son action en faveur des femmes victimes de violences et de mutilations sexuelles, il se bat aujourd'hui pour que ces agressions, perpétrées par des groupes armés, soient reconnues en tant qu'armes de guerre.

Une vocation au service des femmes

Denis Mukwege est devenu, depuis une quinzaine d'années, le symbole de l'accompagnement des femmes victimes de violences sexuelles en temps de guerre. Son combat pour la dignité des femmes lui a valu de recevoir mardi 21 octobre, le prix Sakharov remis par le Parlement Européen, qui honore les personnes ou organisations consacrant leur existence à la défense des droits de l'homme et des libertés.

Né à Bukavu, sur la frontière Est de la République Démocratique du Congo (RDC) avec le Rwanda, il part au Burundi (pays voisin) pour faire ses études de médecine. Se destinant très tôt à la gynécologie, il s'y spécialise à Angers suite à l'obtention d'une bourse. Bien qu'ayant pu rester travailler en France après ses études, il décide de retourner en RDC à la fin des années 1990. Lorsque la Première Guerre du Congo éclate en 1996 (elle durera 6 mois), le docteur Mukwege assiste à la dégradation de la situation de son pays.

C'est pourquoi, en 1999, il décide de créer un hôpital dans le quartier de Panzi à Bukavu, pour permettre aux femmes d'accoucher dans des conditions optimales. Cependant, la mission de la structure va rapidement se transformer, suite à l'action des différents groupes armés dans l'Est du pays.

Les violences sexuelles faîtes aux femmes : un fléau national

Face à la recrudescence des agressions sexuelles en tous genres touchant les femmes, le Dr Mukwege met en place des soins spécifiques pour répondre à ces traumatismes et forme médecins et infirmières pour l'aider dans son travail. Depuis 15 ans que l'hôpital a été créé, celui-ci a accueilli près de 40 000 femmes, adolescentes, fillettes et nourrissons grièvement blessées suite à des violences sexuelles. « Ma première malade, en 1999, avait été violée. Puis, on lui avait introduit une arme dans l'appareil génital et fait feu ; elle avait tout le bassin détruit ». Cet acte atroce est loin d'être un cas isolé. La même année, l'hôpital reçoit 45 cas similaires. Ainsi, chaque année, la structure prend en charge gratuitement près de 3500 victimes, qui peuvent y bénéficier de chirurgie reconstructrice.

Selon l'ONU, près de 200 000 femmes ont été violées ces 15 dernières années dans l'Est de la RDC (500 000 dans tous le pays). Malheureusement, les victimes de viols sont rejetées par leur communauté, laissant les congolaises face à la peur quotidienne de croiser des groupes armées, à l'origine de ces sévices.

                                                                                       Les groupes armés, qui s'affrontent dans la région, sont à l'origine de ces violences.

L'action du Dr Mukwege ne plaît pas à tout le monde. Menacé régulièrement, il a échappé de justesse à une tentative d'assassinat par un groupe d'hommes armés. Contrait de quitter le pays après cette tentative, il vit désormais sous haute protection dans son hôpital. En effet, son action se dresse contre ces groupes armés qui sèment la terreur. Selon lui, ces viols participent d'une mise en scène et « correspondent à une stratégie visant à traumatiser les familles, détruire les communautés, provoquer l'exode des populations vers les villes et permettre à d'autres de s'approprier les ressources naturelles du pays. C'est une arme de guerre, formidablement efficace ». L'Est du Congo est en effet une région très riche en ressources naturelles, qui font l'objet de nombreux affrontements et dévastations.

Comme le dit un des médecins travaillant avec le Dr Mukwege, c'est la jeunesse qui est détruite, dans le but de favoriser le contrôle du pays.

Faire reconnaître ces actes comme armes de guerre

Parallèlement à son hôpital, le Dr Mukwege se bat également depuis des années pour dénoncer ces viols, utilisés comme armes de guerre, qui « détruisent le tissu social, entraînent une perte d'identité collective et détruisent toutes les croyances ». Tout comme les armes de destruction massive, le viol a des effets sur le long terme : « les familles, les villages, les sociétés sont détruits. Sur des générations ».

L'impact psychologique de ces agressions n'est pas laissé de côté par le Dr Mukwege. L'hôpital accueille depuis quelques temps un centre où peuvent habiter les victimes de viols. Celles-ci y bénéficient de soins psychologiques adaptés, ainsi que de la possibilité d'apprendre un métier pour pouvoir se réinsérer progressivement dans la société.

Déjà récompensé plusieurs fois par l'Europe et les États-Unis ( Prix des droits de l'Homme par l'ONU en 2008, Chevalier de la Légion d'honneur en 2009, prix de la Fondation Chirac en 2013 notamment), le Dr Mukwege attend encore une action concrète de la part de la communauté internationale. Sa renommée a tout de même permis de faire connaître au monde entier la situation dramatique des femmes en République Démocratique du Congo.

En début d'année, il a lancé un mouvement féministe masculin, V-Men Congo, et en appelle désormais à la « mobilisation générale » contre le nouveau fléau des viols d'enfants et de bébés. Ce prix Sakharov, qui s'accompagne de 50 000 euros, sera peut-être une marche de plus gravie pour le le Dr Mukwege, cité déjà plusieurs fois pour le Prix Nobel de la Paix, et les femmes qu'il défend. 

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L'auteur
Laure Hanggi

Laure Hanggi

Rédactrice

Bio

Etudiante en histoire passionnée d'actualité en général et notamment des questions de santé moderne, en tant qu'enjeux de société. Voir plus

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