Insectes, algues ou graines : que mangerons-nous demain ?
Rédigé par Laure Hanggi , le 20 October 2014 à 18h05
De la poudre d'algue.
Le Salon International de l'Alimentation (Sial), qui se tient cette semaine (19/24 octobre) en région parisienne, présente de nouveaux modes de consommation. Ces derniers, qui se veulent plus respectueux de l'environnement, pourraient devenir une nécessité face à la croissance de la population.
Bientôt 11 milliards sur la planète
La planète compte aujourd'hui près de 7 milliards d'habitants et sa population ne fait qu'augmenter de manière exponentielle depuis quelques décennies. Les dernières études en date concernant l'évolution de la population sur Terre sont sans appel. D'ici 2050, celle-ci aura augmenté d'un tiers, portant le compte à 9 milliards, et en 2100 nous aurons dépassé le cap des 11 milliards. Il faudra alors nourrir près de 4 milliards de personnes supplémentaires, ce qui ne pourra être réalisé sans une modification des modes de production et de consommation. En effet, la production de nourriture telle qu'elle est mise en place de nos jours pollue déjà trop. Pour que tout le monde ait accès à des protéines, il faudrait donc produire plus tout en consommant moins d'énergie et de ressources. Aujourd'hui, pour produire 1 kilo de bœuf, 10 kilos de céréales sont nécessaires en amont, qui eux aussi ont dû être produits. Pour pouvoir nourrir tout le monde, il faudra donc rationaliser et revoir l'usage des terres agricoles tout en redéfinissant notre mode alimentaire.
Produire de la viande pour plusieurs milliards de personnes supplémentaires sera impossible sur le long terme. En effet, comme le rappelle Lucie Lecestre, du cabinet français de conseil en stratégie de nutrition Nutrikéo, la production de viande coûte très cher et a des répercussions environnementales négatives (rejet de méthane, déforestation, pollution par nitrates d'eau douce).
De nouveaux modes de consommation commencent à voir le jour, mais pas assez rapidement pour de nombreuses institutions qui appellent au changement, tandis que les industriels tentent de s'adapter.
Quelles alternatives pour demain ?
En France, les achats de viande ont reculé de 7 % entre 1998 et 2012. En cause, le développement de modes alimentaires parallèles tels que le végétarisme ou le flexitarisme. Ce dernier préconise de manger moins souvent de la viande ainsi que de s'orienter vers des aliments moins nocifs pour l'environnement.
Face à cette transformation des mœurs et à la nécessite d'un changement, les industriels proposent de plus en plus de plats alternatifs, comme on peut le voir cette semaine au Mondial de l'Alimentation. De nombreux produits à base de lait sont ainsi développés. Selon une évaluation de l'Institut français de l'élevage de 2009, l'empreinte carbone du lait varie « entre 0,65 et 1,05 kg de CO2 / kg de lait » contre « 6,4 à 9,7 kg de CO2 / kg pour la viande vive ».
Ainsi, du fromage aux algues en passant par le burger végétal, de nombreuses alternatives sont développées. Cependant, l'alternative numéro 1, préconisée par l'ONU elle-même est l'entomophagie. Ou pour les non-initiés, la consommation d'insectes. En effet, les avantages sont multiples : l'élevage d'insectes pour l'alimentation n'est pas coûteux et ne requiert que peu de place et d'infrastructures. De plus, les insectes sont d'extraordinaires concentrés de protéines. Ils ont ainsi une teneur protéinée trois fois supérieure à celle du bœuf.
Des barrières à dépasser
Si selon l'ONU, plus de deux milliards de personnes à travers le monde se nourrissent en partie ou intégralement d'insectes, tout le monde n'est pas prêt à sauter le pas. Pour Xavier Terlet, spécialiste français des tendances alimentaires, « l'alimentation est trop culturelle pour que les Européens franchissent le pas ». Les insectes ont ainsi pour le moment plus de chances de se retrouver dans l'alimentation pour le bétail sous forme de farine animale. Pour le moment, ce sont plutôt les protéines végétales qui ont le vent en poupe dans le monde occidental. Bien que la France soit en retard sur le sujet, d'autres pays sont déjà bien lancés.
Aux États-Unis, des filets de poisson « sans poisson » sont produits par l'entreprise Gardein, à base de soja, pois et huile de micro-algues. De même en Hollande, des « Bouchers Végétariens » produisent le même type de produits. Pour le moment, ces protéines alternatives n'ont pas su trouver leur place au sein des supermarchés et ces innovations sont noyées dans les rayons de plats préparés. Cependant, la forte croissance que connaît ce marché pourrait bien annoncer un changement de donne. En effet, selon des estimations citées par Nutrikéo, le marché des protéines végétales qui pesait 7,8 milliard de dollars en 2013 pourrait dépasser les 11 milliards en 2018. Le marché connaîtrait alors une hausse de 40 % en seulement 5 ans. L'alimentation de demain pourrait donc évoluer beaucoup plus vite qu'on ne le croit, même si les mentalités doivent encore changer.