Binge drinking = de lourdes peines prévues pour combattre l'excès d'alcool chez les jeunes
Rédigé par Laure Hanggi , le 16 October 2014 à 17h58
Les jeunes consomment de plus en plus tôt, et plus en plus massivement d'alcool
La Ministre de la Santé Marisol Touraine a présenté mercredi 15 septembre au Conseil des Ministres un nouveau texte s'inscrivant dans la loi de santé à venir. S'attaquant au binge drinking (beuverie express), la ministre prévoit jusqu'à 15 000 euros d'amende et un an de prison en cas d'incitation des mineurs à une telle pratique.
S'attaquer à la consommation d'alcool chez les jeunes
Après les paquets de cigarettes neutres, la projet de loi de Santé fait encore une fois parler de lui. En cause, une mesure inédite proposée par la Ministre de la Santé pour s'attaquer aux problèmes liés à l'alcool chez les jeunes. Plus précisément, c'est le phénomène de « binge drinking » (beuverie express), consistant à consommer une grande quantité d'alcool en peu de temps pour atteindre l'ivresse, qui est visé par ce texte. Comme il est prévu dans ce dernier, cette pratique sera désormais l'objet d'une nouvelle infraction : « le fait de provoquer directement un mineur à la consommation excessive d'alcool sera puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende ».
Ces sanctions seront également étendues au phénomène du bizutage. S'il est prouvé qu'une personne en a fortement incité une autre à consommer une grande quantité d'alcool, 6 mois de prison ainsi que 7500 euros d'amende pourraient être requis. Pour le gouvernement, ces séances de bizutage, dont la dangerosité est indéniable, ont progressivement banalisé l'ivresse dans certaines Grandes Écoles ou Universités.
Le texte prévoit enfin de s'attaquer à « l'image festive et conviviale » de l'ivresse, diffusée par de nombreux jeux et objets qui participent à la promotion de la consommation excessive d'alcool. Ainsi, tout objet, tel que des coques de smartphone ou des tee-shirt, vantant l'ivresse sera interdit à la vente aux mineurs.
Un problème de santé publique
La France fait partie des pays de l'OCDE (Organisation de Coopération et de Développement Économiques) où la consommation d'alcool par personne est la plus élevée. En effet, la consommation annuelle par français et par an est de plus de 12 litres d'alcool pur, pour une moyenne européenne de 10,85 litres. Certes, la consommation d'alcool ne cesse de diminuer (-1 ,7 % par an depuis 1960), mais les jeunes consomment toujours plus et toujours plus tôt. Pour les médecins et les psychologues, on assiste aujourd'hui à une modification des modes de consommation.
Le binge drinking est ainsi devenu un problème de santé publique majeur, la moitié des jeunes de 17 ans étant concerné par ce phénomène aujourd'hui. Selon un rapport de l'Inpes (Institut national de prévention et d'éducation sur la santé) réalisé en 2013, 25,5 % des 15-30 ans affirmaient avoir bu au moins 6 verres en une seule occasion au cours du mois écoulé. Ces pratiques ne sont pourtant pas sans risque, les comas éthyliques et les accidents de la route en étant les conséquences les plus communes. C'est pourquoi, face à ce constat, la prévention des risques de l'alcool est devenue un volet majeur de la loi de santé dont est issu ce texte.
De bonnes intentions mais une mise en place compliquée
Tout le monde s'accorde sur le fait que le binge drinking est une pratique dangereuse. Cependant, les professionnels de santé sont sceptiques quant à la mise en place de ces mesures. Selon eux, ces condamnations ne sont pas la bonne solution pour lutter contre ce phénomène.
Pour Corinne Bouchoux, sénatrice écologiste et auteure avec le sénateur UMP André Reichardt d'un rapport sur l'alcoolisation massive, ces mesures sont vaines. Pour lutter efficacement contre le problème, il faudrait, selon elle, développer davantage les actions préventives. C'est également l'avis de plus en plus d'étudiants d'écoles d'ingénieurs, de commerce ou de médecine, réputées pour leur sens de l'excès quand il s'agit d'alcool. « Il faut débanaliser la consommation d'alcool et faire des actions dès le collège, à destination des plus jeunes », affirme Raphaël Bévenot, chargé des actions de prévention au sein du Bureau National des élèves ingénieurs.
Pour le Docteur Lemaire, psychiatre et addictologue au centre hospitalier de Châteauroux, cette proposition est trop difficile à concrétiser : « Il y a des lois qui interdissent l’ivresse sur la voie publique. Or, je vois fréquemment des personnes ivres dans les rues le soir. Et, pour autant que je sache, les pénalisations pour cet acte sont rares. Je ne suis pas sûr que ce soit différent pour le binge drinking. Comment va-t-on le contrôler ? Des policiers vont se poster chez les étudiants le samedi soir et surveiller leur débit d’alcool ? Cela me paraît un peu compliqué ! »
Pour le moment, l'heure n'en est qu'aux discussions, pour cette loi qui sera examinée début 2015 par les députés, qui se prononceront alors dessus.