Les surprises du vagin : des antibiotiques à la clé
Rédigé par Laure Hanggi , le 15 September 2014 à 17h03
L'industrie pharmaceutique a du souci à se faire. Une étude américaine affirme en effet que les bactéries se trouvant dans le vagin des femmes pourraient être utilisées dans la création de médicaments encore plus efficaces que ceux déjà présents sur le marché.
Les bactéries sont nos amies
Les scientifiques ont établi depuis de nombreuses années que les bactéries jouaient un rôle important sur notre santé. Sur les dizaines de milliers présentes dans l'organisme, seulement une centaine sont pathogènes, et représentent un danger pour l'Homme.
Dans une étude repérée par le site Jezebel et publiée dans la revue Cell, des chercheurs de l'Université de Californie ont démontré que le vagin abritait toute une multitude de bactéries produisant des molécules dont les caractéristiques génétiques pourraient être utilisées dans la fabrication de médicaments et autres produits pharmaceutiques.
La base de ces nouveaux produits serait un certain type de bactérie, en l’occurrence les bactéries commensales, qui colonisent l'organisme avec une préférence pour la peau et les muqueuses, sans provoquer de maladie.
Les chercheurs se sont intéressés plus particulièrement au Lactobacillus gasseri, une des bactéries commensales du vagin, qui produit un antibiotique appelé « lactocilline », très proche d'autres que l'on peut trouver en pharmaceutique contre les infections vaginales.
Au-delà du potentiel de ces bactéries, c'est leur efficacité qui est étonnante. En effet, contrairement aux antibiotiques traditionnels qui s'attaquent à toutes les bactéries sans aucun discernement, ces antibiotiques naturels n'éliminent que les bactéries pathogènes.
Changer le paradigme pharmaceutique
La recherche sur ce sujet s'est divisée en deux temps. Après s'être intéressée au Lactobacillus gasseri et à ses propriétés, l'équipe s'est tournée vers l'analyse du génome de ces différentes espèces de bactéries que l'on trouve dans notre organisme, et qui constitue ce que l'on appelle le microbiome. Grâce à une nouvelle machine dénommée ClusterFinder, l'équipe a pu identifier 3 118 groupes de gènes bactériens qui se retrouvent dans des enzymes impliquées dans la synthèse de molécules liées à des classes pharmaceutiques connues. Cette découverte est importante dans la manière dont le monde pharmaceutique est aujourd'hui envisagé. Ainsi, Pour Michael Fischbach, un des biologistes à avoir participé à l'étude, cette découverte est réjouissante : « Nous avons l'habitude de penser que les médicaments sont découverts par des compagnies pharmaceutiques, approuvés par la FDA [l'équivalent américain de l'Agence du médicament], puis qu'ils nous sont prescrits par des médecins. Ce que ces recherches prouvent, c'est que les bactéries qui vivent sur et en nous peuvent court-circuiter le processus.», a-t-il déclaré au Huffington Post.
Cette recherche n'est donc pas seulement importante dans le cas des infections vaginales, qui est pour le moment le cas le plus emblématique, mais doit être considérée dans un cadre beaucoup plus large. La méthode mise en place dans cette étude pour trouver un certain type de bactérie pourrait totalement bouleverser notre manière d'appréhender la fabrication de médicaments.
Et demain ?
A ce jour, le niveau d'analyse n'a pas été assez poussé pour déterminer quelles molécules sont issues de quelle bactérie. « Nous avons besoin d’apprendre ce que sont ces molécules et ce qu’elles font, a expliqué Michael Fischbach. Ce pourrait être un pool de molécules avec de nombreux candidats potentiels en thérapeutique. Cela fait des années que les variations et les changements du microbiome humain peuvent avoir des effets intéressants chez l’hôte, et maintenant nous pouvons commencer à déterminer pourquoi au niveau moléculaire. »
Il espère également que cette découverte ne restera pas limitée aux femmes, mais qu'elle pourra profiter aux hommes. Eux-aussi possèdent en effet des bactéries produisant un médicament similaire, mais celles-ci appartiennent à une espèce différente, résidant dans la bouche. Ces bactéries n'ont pas encore pu être isolées, mais la volonté du Pr Fischbach et de ses collègues est solide.
Selon Rob Knight, de l'Université du Colorado, « c'est le premier travail qui isole de nouveaux composés qui ont un fort potentiel médicamenteux dans le microbiome humain».