Un pansement high-tech pour soigner les grands brûlés
Rédigé par Laure Hanggi , le 13 October 2014 à 16h03
Ce nouveau "pansement" n'a rien de traditionnel et s'apparente à de la peau artificielle.
Une équipe d'étudiants de l'Université de Toronto a mis au point une bio-imprimante capable d'imprimer des bandes de tissu synthétique, à partir de cellules de la peau. C'est une très grande avancée pour l'amélioration du traitement des grands brûlés.
Une révolution dans la reconstruction de la peau
Un groupe de doctorants de l'Université de Toronto a mis au point un nouveau prototype de bio-imprimante, dénommée PrintAlive. De la taille d'un gros livre, cette imprimante 3D « produit des greffes de peau artificielle pour les victimes de brûlures ».
Jusqu'alors, les greffons de peau étaient considérés impossibles à reproduire par ce type d'imprimante. Ces dernières servent en effet majoritairement à imprimer des matériaux durs et non flexibles (contrairement à la peau). De plus, la peau étant constituée de plusieurs couches de cellules différentes les unes des autres, elle est très compliquées à reproduire et se régénère très lentement. Comme l'explique l'équipe étudiante, cette composition de la peau est « essentielle au fonctionnement biologique du tissu ».
Face aux bio-imprimantes disponibles sur le marché mais inadaptées à la reproduction d'un tel organisme, les étudiants décident de créer leur propre imprimante pour dépasser les limites de la technologie existante. Leur création, PrintAlive, est capable d'imiter les structures cellulaires présentes dans la peau.
Le résultat obtenu n'est pas un greffon de peau dans le sens traditionnel mais « une sorte de pansement vivant ». En effet, la cartouche d'impression comporte deux petits canaux distincts remplis de cellules de peau du patient, qui recréent les couches dermiques et épidermiques de la peau, ainsi que l'environnement liquide dont les cellules ont besoin pour subsister. Lorsque le liquide est éjecté hors de l'imprimante, il se solidifie en un gel qui relie les deux couches de cellules et les imprime l'une sur l'autre. Le pansement, biodégradable, s'applique ensuite directement sur les brûlures.
Une prise en charge beaucoup plus rapide et efficace
Les grands brûlés doivent être traités le plus rapidement possible, leur taux de survie déclinant à mesure que le temps passe. La fermeture des plaies est essentielle pour assurer la survie des victimes.
Or, selon Axel Guenther, superviseur du projet, la vitesse d'impression de cette imprimante est 10 à 100 fois supérieur à celle de ses concurrentes. La prise en charge de patients en attente de greffe de la peau pourrait ainsi être considérablement améliorée.
Aujourd'hui, les greffes de peau se font soit en prélevant des tissus non-abîmés sur le corps du patient, soit grâce à des dons ne garantissant pas toujours l'acceptation du greffon par l'organisme du patient. Cependant, selon ses inventeurs, PrintAlive pourrait « accélérer significativement le rétablissement des brûlés ». En effet, pour Arianna McAllister (une des étudiantes à l'origine de PrintAlive), cette imprimante « permettrait de réduire grandement la quantité de cellules issues de donneurs nécessaire et le temps de préparation du greffon (il faut généralement 2 semaines pour cultiver des cellules afin de les greffer, ndlr) ». Le risque de rejet serait également limité, le greffon étant constitué de cellules issues du patient bénéficiaire du « pansement ».
Un avenir prometteur mais des recherches à développer
Les tests, menés sur des souris, ont été concluants. L'équipe espère maintenant pouvoir expérimenter le procédé sur des cochons puis sur l'Homme. Cependant, les recherches doivent encore être approfondies pour qu'un usage clinique de PrintAlive soit viable. Les premiers tests sur l'Homme devraient avoir lieu dans 3 ans. L'espoir qui entoure cette nouvelle invention est immense. En effet, elle permettrait de diminuer drastiquement la dépendance face aux dons de peau pour les greffes.
Les personnes à l'origine du projet voient beaucoup plus loin. Cette imprimante pourrait être transportée dans des lieux isolés et les hôpitaux pourraient facilement en être dotés. En plus de bénéficier aux déserts médicaux, cette imprimante pourrait intéresser les pays les plus défavorisés. En effet, selon Marc Jeschke, qui a travaillé sur le projet et qui dirige un centre hospitalier pour grands brûlés, « 90 % des brûlures surviennent dans les pays à revenu faible et moyen, avec de plus grandes mortalité et morbidité dues à des systèmes de soins de santé mal équipés et à un accès insuffisant à des établissements de soins pour brûlés. Régénérer la peau en utilisant les propres cellules souches du patient peut diminuer de façon significative le risque de décès dans les pays en développement ».
Arianna McAllister et Lian Leng, les deux étudiantes à l'origine de ce projet, ont gagné le premier prix dans la branche canadienne du prix James Dyson 2014, concours étudiant international d'ingénierie. Représentantes du Canada, elles concourent désormais pour le prix à l'échelle mondiale.