Le fameux système français de santé peut mieux faire
Rédigé par Laure Hanggi , le 12 September 2014 à 17h26
Dans un manifeste publié sur Internet en ce vendredi 12 septembre, Jean Michel Billaut, qui a été amputé d'une jambe suite à une faute médicale, réclame une refonte du système de santé français, et l'institution d'une médecine prédictive et connectée.
Un constat sur le monde médical en France
Le système de santé en France a connu des jours meilleurs . Le système de protection sociale, menacé par le déficit de l'assurance maladie, n'assure plus entièrement son rôle, amenant des milliers de Français à renoncer à des soins médicaux. Pour d'autres, la médecine est trop loin, car les déserts médicaux ne cessent de s'étendre. Les inégalités sociales en France dans le domaine de la santé sont parmi les plus élevées d'Europe occidentale, comme le montre le taux de mortalité des personnes de moins de 65 ans, qui est le plus haut de la région.
Cette sécurité sanitaire qui ne tient plus vraiment debout, Jean Michel Billaud en a été la victime. Suite à une ischémie aiguë (provoquée par l'occlusion brutale de l'axe artériel, ndlr) due à une rupture d'anévrisme poplité, on a du lui amputer la jambe droite au niveau du genou en juin 2009. Il déplore le fait que cet incident n'est pas été anticipé : « Je me croyais en bonne santé, alors qu'en fait je ne l'étais potentiellement pas ! Ce qui veut dire que la médecine d'aujourd'hui ne sait pas « prédire » ces accidents. C'est une médecine de réparation, qui se met en branle une fois l'accident survenu. Ou une fois la maladie installée. » Jean Michel Billaud condamne également la rapidité qui a fait défaut à sa prise en charge. Selon lui, si le système de santé était organisé de manière à ce que chaque dérapage médical puisse être prédit à l'avance, il n'aurait jamais perdu sa jambe.
L'approche de la santé doit évoluer et faire l'objet d'un débat national, aux vues de l'importance de la question. Le secteur, très segmentée et hiérarchisé, doit adopter une approche plus transversale.
Développer la médecine prédictive
Cette approche est partagé par Luc Montagnier, prix Nobel de Médecine en 2008 et qui s'est exprimé dans ce sens dans Le Monde en 2012. Les deux hommes militent pour l'établissement d'une médecine 4P : prédictive, personnalisée, participative, préventive. Cela nécessite de faire évoluer la relation entre les patients et leur médecin, les missions des médecins généralistes, les choix d'investissement dans la recherche... Pour Luc Montagnier, la médecine prédictive permettra, dans quelques années, de détecter de manière précoce les marqueurs liés à l'apparition de maladie d'évolution lente, grâce à la révolution génomique et de nouvelles technologies. Le système ne doit plus être centré sur la maladie, mais sur la personne et la santé. Il faut sortir la santé des hôpitaux.
Cela passe aussi par un changement des mentalités et la mise en place de nouvelles pratiques telles que la télémédecine, la visiophonie chez le Samu ou la mise en place d'un Cloud pour faciliter les transfert et l'acheminent de patients vers les Urgences, grâce à un service de géolocalisation.
Les champs d'application de cette médecine prédictive et préventive seraient énormes et pourraient représenter des développements économiques et industriels importants.
L'apologie de la technologie
Jean Michel Billaud appelle les start-up de santé à imiter leurs semblables aux États-Unis, qui y fleurissent depuis quelques années, et qui commercialisent des « trackers de signaux de santé (que l'on peut insérer dans le corps, que l'on porte sur soi, que l'on installe chez soi). D'autres mettent en œuvre des plate-formes en mode cloud pour enregistrer en temps réel ou non, les données acquises par ces trackers. D'autres créent des réseaux sociaux de patients, des « apps » sur smartphones, des sites d'information médicale à l'intention du plus grand nombre. » Toutes les technologies américaines qui permettent de gérer ses données médicales en ligne, et dont on a déjà parlé des possibles dérives, le séquençage génomique sur le marché grand public, qui pour lui est l'avenir de la e-santé, les scanners moléculaires, sont le futur de la médecine, ce vers quoi il faut tendre. Et si la France est aujourd'hui en retard, c'est pour protéger les intérêts financiers du monde médico-pharmaceutique qui n'aurait pas intérêt à ce que l'e-santé et l'automédication se développe trop.
Cependant, on peut s'interroger sur le bien fondé de l'ensemble de ces demandes. La santé est un sujet sérieux qui doit rester entre les mains de professionnels, même si des améliorations sont effectivement à mettre en place dans le système médical français. De plus, il est fort peu probable que l'ensemble de la société ait envie de connaître à l'avance tout le mal qui pourrait lui arriver, vivre en attendant des maladies qui n'arriveront peut-être pas et absorber des médicaments en conséquences. La prévention et une refonte du système médical, oui, mais de façon concertée et à un niveau raisonnable.