Fin du boycott pour les stagiaires infirmiers : les cliniques ont trouvé un accord avec le Ministère de la Santé
Rédigé par Clémentine Billé , le 12 March 2014 à 18h55
Les étudiants infirmiers sont rassurés. Ils peuvent reprendre leur stage et valider leur diplôme.
Le 28 février, le Ministère de la Santé imposait aux cliniques une baisse de leurs tarifs, malgré les discussions houleuses et les nombreux désaccords. Seuls ces établissements privés étaient concernés. Réaction des cliniques : le boycott des stages d’infirmiers dans leur structure. Ce matin, la levée a été annoncée. Jean-Loup Durousset, directeur de la Fédération de l’Hospitalisation Privée, répond à nos questions en fin d’article.
Fin des boycotts des stagiaires infirmiers en clinique, le Ministère de la Santé et la Fédération de l’Hospitalisation Privée (FHP) ont trouvé un accord. Les étudiants infirmiers pourront retourner dans les cliniques pour faire leur stage et valider leur diplôme.
Ce moyen de pression de la part des cliniques n’était pas anodin. La moitié du temps de formation des infirmiers correspond aux stages. Leurs fermer les portes incluait une baisse du nombre d’infirmiers, déjà trop peu dans l’ensemble du monde hospitalier.
Les cliniques dénoncent une inégalité de traitement face aux hôpitaux
Les cliniques s’estiment lésées et la FHP évoque dans son communiqué intitulé « Cliniques en résistance : compromis de sortie de crise » une distorsion de la concurrence dont elles faisaient l’objet, et qu’elles estiment « non acceptable ». En effet, le Ministère de la santé avait imposé une baisse des tarifs pour les cliniques, et non les hôpitaux. Le but était alors de compenser avec le crédit d’impôts compétitivité emploi (CICE) dont bénéficient les cliniques, à l’inverse des hôpitaux. Celui-ci permet de fixer les sommes versées aux établissements privés par l’Assurance maladie, selon les actions accomplies.
Première victoire, le Ministère de la Santé s’est engagé à ne plus revenir ni toucher au CICE. La fédération affirme désormais qu’il y a encore des points d’ombre mais que les accords trouvés sont « suffisants pour permettre la reprise de l’accueil des étudiants infirmiers » dans leurs établissements.
Concrètement, en quoi consiste l’accord ?
Une mise en place d’un suivi particulier est assurée pour les établissements qui peuvent bénéficier ou non de tarifs spécifiques afin d’adapter les structures et matériels aux soins nécessaires. Il y aura alors la création d’un référentiel de critères d’éligibilité communs à tous les types d’établissements, public ou privés, alors qu’auparavant le secteur privé était avantagé.
Un groupe sera aussi créer pour favoriser « la promotion de l’innovation, la révision des normes, et la stabilisation de la certification » entre autres. Les cliniques ne pouvaient pas officiellement faire valoir leur proposition et leur parole au préalable.
Enfin, l’accord met l’accent sur les règles de tarification du ticket modérateur. Il correspond à la partie des dépenses de santé qui reste à votre charge après le remboursement de l’Assurance Maladie. Son montant fluctue selon les médicaments administrés, les diverses interventions, la situation du patient notamment. La facturation unifiée fait également partie de l’entente. Désormais, les tarifs seront unifiés entre le secteur public et privé.
Nous avons contacté Jean-Loup Durousset, directeur de la Fédération de l’Hospitalisation Privée (FHP), qui a bien voulu répondu à nos questions. Il fait le point sur l’accord de ce matin, et la situation des étudiants infirmiers.
Allo-Médecins : Quelles sont les plus grandes avancées entre la FHP et le Ministère avec cet accord ?
Jean-Loup Durousset : Nous avons demandé à la Ministre Marisol Touraine d’avoir des postures différentes, et elle a caractérisé cela par trois faits marquants. Le premier, elle a retenu notre proposition sur un travail collectif sur la simplification. Cela consiste à se mettre autour d’une table, toute la fédération, et essayer de voir ce que l’on pourrait améliorer en termes d’organisation hospitalière pour être plus efficace. C’est aussi avoir une efficacité financière pour être un peu moins couteux à la collectivité. On travaille donc sur des simplifications à la fois normatives et organisationnelles parce qu’on a des coûts cachés sur des décisions ministérielles qui sont parfois aberrantes (…) On n’est pas contre, si cela génère des économies substantielles, de discuter de la répartition entre les économies générées et l’assurance maladie qui est en difficulté régulière sur son budget.
A-M : La simplification est donc le premier point. Quels sont les deux autres ?
J-L D : La deuxième thématique portait sur l’iniquité de traitement entre les acteurs. Les cliniques privées ont des factures individuelles aux organismes sociaux, aux patients, et aux complémentaires santés. L’hôpital avait la même obligation depuis 2005 mais ne la toujours pas fait. Elle nous a donc dit « Je vais régler ce problème dans un délai plus court que prévu ». On espère que ce sera l’année prochaine. Ensuite, nous contestions les modalités de facturation du reste à charge sur les patients qui n’étaient pas pris en charge à 100% (…) La Ministre a accepté d’inscrire ça à l’ordre du jour de la Haute Commission de l’Assurance Maladie (HCAM) de manière à ce que l’on puisse régler définitivement les modalités de calculs de ce reste à charge. De plus, on a des missions d’intérêt général d’aide au contrat. Nous trouvions qu’il y avait des disproportions fortes entre les établissements publics et les cliniques privées car 99% des subventions sont versés aux organismes publics ou aux subventions et 1% seulement est versé aux cliniques.
A-M : Les tarifs des cliniques devaient diminuer selon un décret du Ministère de la Santé. C’est toujours le cas ?
J-L D : Oui, c’est un désaccord qui persiste. La Ministre a souhaité maintenir sa posture qui à nos yeux est une posture dogmatique, erronée et ne présentant aucun intérêt, si ce n’est une baisse symbolique des tarifs en clinique privée. Cela donne – 0,24% pour la partie hospitalisation en nous expliquant qu’elle a souhaité marquer sa position concernant la récupération partielle du CICE. C’est le crédit d’impôt compétitivité emploi qui a été créé l’an dernier et touche toutes les entreprises françaises. Nous estimons que cette mesure est discriminatoire car nous estimons devoir bénéficier du CICE. Nous avons dit à la Ministre que nous allons entamer une procédure juridique contre cette baisse tarifaire, et nous allons interroger la Haute Autorité de la Concurrence sur les pratiques tarifaires du Ministère nous concernant.
A-M : La manifestation des étudiants infirmiers qui devaient avoir lieu demain a-t-elle été annulée en vue de cet accord ?
J-L D : Oui, nous allons lever notre mouvement progressivement, avec la reprise des terrains de stage et quelques heures après la FNESI (Fédération Nationale des Etudiants en Soins Infirmiers) a renoncé à manifester le 13. Plus de 7000 étudiants ont eu leur terrain de stage modifiés et nous savions que 9000 autres allaient arriver à partir d’avril. Le Ministère avait affirmé début mars « nous avons réglé le problème des terrains de stage ». Mais je suis chef d’entreprise donc je sais ce que c’est. Je peux toujours mettre deux stagiaires là où il y en a un, ça ne veut pas dire que la qualité du stage est optimisée. C’est pour ça que les étudiants ont dit « Ne jouez pas avec nous, ne nous dîtes pas que vous avez remplacé 100% des terrains de stage. Quand on se retrouve trop nombreux sur le terrain, vous avez baissé la qualité de la formation qui nous était donnée sur le plan pratique ». C’est pour ça que je pense que les étudiants sont soulagés de savoir ce soir que les stages dans les établissements privés vont reprendre progressivement.
Nous remercions Jean-Loup Durousset pour sa participation au journal d’actualités d’Allo-Médecins. Pour en savoir plus sur l’accord et l’action de la Fédération Hospitalière Privée, vous pouvez consulter leur site ici.