Tuberculose : un ver "immortel" pour lutter contre la bactérie
Rédigé par Laure Hanggi , le 11 September 2014 à 12h48
Un communiqué de presse publié ce mercredi 10 septembre par le CNRS révèle qu'une équipe de chercheurs français a, grâce à l'étude d'un ver plat aquatique, ouvert une nouvelle voie dans la lutte contre les bactéries mortelles telles que celle de la tuberculose.
Une recherche inédite
La découverte, publiée dans la revue Cell Host and Microbe, a utilisé des méthodes de recherche peu communes, comme on peut le voir avec le choix d'étude de ce ver planaire. « Nous sommes les premiers en France et au monde à avoir utilisé ce ver plat, le planaire Dugesia japonica, pour rechercher une réponse immunitaire », affirme Eric Ghigo, directeur de recherche au CNRS qui a dirigé l'équipe « Infection, Genre et Grossesse (I2G), qui évolue dans l'Unité de recherche sur les maladies infectieuses et tropicales émergentes à Marseille. Largement relayée, cette découverte permet d'envisager une nouvelle approche prometteuse dans la lutte contre les maladies dues à des bactéries très résistantes aux antibiotiques et mortelles chez l'Homme.
Cette découverte donne un nouveau souffle à la recherche dans ce domaine, et ouvre des horizons médicaux et sanitaires jusqu'alors bloqués de manière dramatique. En effet, Eric Ghigo explique qu'il leur fallait un « modèle d'organisme nouveau », car les modèles animaux avec lesquels ils évoluaient jusqu'alors, comme la mouche, la souris ou les poissons, ne leur permettaient plus d'avancer assez loin dans la recherche. « On arrivait au bout des choses » .
C'est pourquoi lui et son équipe se sont tournés vers cet organisme quasiment inconnu du grand public, mais qui fait déjà beaucoup parler de lui. Ce ver planaire, qui a la singularité d'être immortel (il ne peut pas mourir de vieillesse) était jusqu'à présent utilisé dans des études concernant la reconstitution des tissus. En effet, sa capacité régénératrice est infinie. Si vous le découpez en plusieurs dizaines de morceaux, il finira par se régénérer sous la forme de plusieurs vers après quelques jours.
La démarche inédite mise en place par l'équipe a été payante, car le ver s'est montré particulièrement convaincant face à des bactéries extrêmement dangereuses.
Un ver aux capacités étonnantes
En effet, les chercheurs ont décidé de tester 17 bactéries sur le planaire, dont celle de la tuberculose, et aucune d'elles n'est venu à bout du petit ver. Ces bactéries sont pourtant « pathogènes voire mortelles pour l'Homme », comme l'indique le communiqué du CNRS. Comment expliquer cette aptitude ?
Il nous est capable de comprendre comment le ver arrive à résister à ces bactéries grâce au séquençage de son ADN qui a été réalisé durant les recherches par une équipe Néo-Zélandaise spécialisée dans « le séquençage de modèles bizarres ». Les chercheurs ont donc pu constater que le ver possédait 18 gènes résistants, dont un en particulier, le MORN2, jouait un rôle très important dans l'immunité contre les bactéries. Or, il se trouve que ce gène est présent dans le génome humain, mais qu'il y est non-actif.
L'équipe d'Eric Ghigo a donc sur-exprimé ce gène au sein de macrophages humains, qui sont des globules blancs dont la mission est de lutter contre les agents pathogènes en les digérant. Les chercheurs leur ont donné la capacité, en les dopant au MORN2, de détruire les bactéries en rendant active cette partie de notre génome. Le gène MORN2 facilite la « séquestration » des bactéries en cause dans un des éléments de la cellule (phagolysosome) où la bactérie va être détruite. C'est le succès de l'enfermement de la bactérie qui permet son élimination. En effet, d'habitude, la bactérie réussit à s'échapper et reste dans un état latent dans les cellules, afin de pouvoir ressortir lorsque le système immunitaire se trouve affaibli. C'est particulièrement le cas pour la tuberculose.
Une piste prometteuse
De nouvelles voies de défense contre les bactéries s'ouvrent ainsi à la médecine, notamment contre M. Tuberculosis, l'agent responsable de la tuberculose, le staphylocoque doré et la légionellose (infection pulmonaire aiguë), ainsi que d'autres pathogènes. Selon le communiqué du CNRS, « cette découverte ouvre donc une nouvelle piste d'action contre [la tuberculose], dont les souches résistantes aux antibiotiques sont de plus en plus répandues. »
Selon Eric Ghigo, les essais cliniques sur l'homme devraient prendre place d'ici 10 à 15 ans.