Le débat sur la vaccination obligatoire remis à l'ordre du jour
Rédigé par Laure Hanggi , le 10 October 2014 à 14h28
Une petite fille se fait vacciner.
Le débat sur la vaccination obligatoire refait surface avec le procès de deux parents qui s'est ouvert hier jeudi 9 octobre à Auxerre. Ces derniers, qui refusent de faire vacciner leurs enfants, sont jugés pour « maltraitance » et risquent jusqu'à deux ans de prison et 30 000 euros d'amende.
Un mouvement de défiance qui prend de l'ampleur
L'idéologie anti-vaccin ne cesse de gagner en importance depuis une vingtaine d'année. Cependant, les parents qui ont refuser de faire vacciner leur fille de 3 ans contre le DTP (Diphtérie, Tétanos, Poliomyélite), s'attaquent principalement aux adjuvants (aluminium, mercure,etc.) présents dans les vaccins. Ces substances, dont le but est de renforcer l'action du vaccin, seraient dangereuses pour la santé, selon les parents qui évoquent des « études sérieuses ». Pour leur avocat, Me Emmanuel Ludot, ces clients « ne font pas de l'anti-vaccin primaire, ils n'appartiennent à aucune structure, aucune secte. Les vaccins d'accord, mais sans adjuvants ».
Le Haut Conseil de Santé Publique (HCSP) étudie souvent les questions ayant trait à la vaccination. Dans ses dernières recommandations, datant du mois d'août 2013, il réaffirme que ces adjuvants ne représentent aucun danger. Selon lui, « les données scientifiques disponibles à ce jour ne permettent pas de remettre en cause la sécurité des vaccins contenant de l'aluminium, au regard de leur balance bénéfices/risques ».
Les parents, qui refusent de vacciner leurs deux enfants (3 ans et 15 mois) à cause des « effets secondaires trop importants », ont été signalés à la Protection Maternelle et Infantile (PMI) par un pédiatre. Le dossier, qui a remonté les étages hiérarchiques, est arrivé jusqu'au procureur de la République qui a décidé d'engager des poursuites. Les parents, qui s'affirment « protégés par la Loi Kouchner de 2002 », ont réussi avec leur avocat, à obtenir qu'une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) soit étudiée en Cour de Cassation, afin de déterminer si l'on peut « imposer un vaccin ».
Un paradoxe législatif français
Le problème, c'est que la législation française alimente ces inquiétudes. En effet, le DTP est le seul vaccin obligatoire aujourd'hui en France. L'HCSP note d'ailleurs que la France est, avec l'Italie, le seul pays a encore avoir une obligation vaccinale. Aucun autre vaccin n'a bénéficié de ce statut particulier depuis 1964. Les autres vaccins sont uniquement « recommandés », ce qui peut être source de confusion chez certaines personnes. Ainsi pour le Pr Daniel Floret, président du Comité Technique des vaccinations de l'HCSP : « Dès lors que les autres vaccinations ne sont que recommandées, on pense qu’elles sont moins importantes, moins utiles ou moins efficaces alors que certaines sont très importantes : contre la rougeole bien sûr, mais aussi la coqueluche, l’hépatite B, le HPV… Recommandé ne doit pas être vécu comme facultatif ». Il remarque également que cette situation n'est pas tenable sur le long-terme, car elle sert d'argument aux anti-vaccins.
Ce paradoxe a fait l'objet d'une volonté de redéfinition des notions « recommandé et obligatoire », au sein du « programme national d'amélioration de la politique vaccinale 2012-2017 » de la Direction Générale de Santé. Cependant, les choses tardent à évoluer.
Ainsi, pour l'avocat des parents, « le droit à la santé est aussi, par le biais d'un système un peu perverti, le droit de ne pas se vacciner ». Cependant, le DTP étant obligatoire, les parents s'exposent à 6 mois de prison et 3750 euros d'amende. De plus, s'il est reconnu que les parents se sont soustraits à leurs obligations légales « au point de compromettre la santé, la sécurité, la moralité ou l'éducation de [leurs] enfants », le code pénal prévoit une sanction bien plus lourde de 2 ans d'emprisonnement et 30 000 euros d'amende.
La vaccination doit être envisagée de manière globale et non individuelle
Comme le rappelle le Pr Daniel Floret, « le risque zéro n'existe pas en médecine ». Agir en dehors des recommandations émises ne doit pas être considéré comme gage de sécurité. En effet, la mesure de la balance bénéfices/risques va dans le sens de la vaccination.
De plus, aucune relation de cause à effet entre la vaccination et le développement de certaines maladies n'a été prouvée scientifiquement. « On connaît le risque de réaction locale au niveau de l'injection mais l'hypothèse selon laquelle cette anomalie s'étendrait à tous les muscles n'a jamais été scientifiquement prouvée », expliquait en août 2013 au Figaro le Pr Jean Beytout, chef du service de maladies infectieuses au CHU de Clermont-Ferrand et membre du Comité technique des vaccinations.
La Ministre de la Santé, Marisol Touraine a exprimé son inquiétude face à ces mouvements de défiance. Elle a cependant insisté sur le fait que « la liberté s'arrête là où commence la santé publique et la sécurité de l'ensemble de la population ». En effet, en ne vaccinant pas leurs enfants, ces anti-vaccins exposent les autres enfants plus jeunes qui ne sont pas encore vaccinés. C'est justement parce que la vaccination est largement répandue en France, que certains maladies ont été éradiquées. « Ces vaccins restent très utiles, insiste le Pr Floret. Actuellement la polio réapparaît dans des pays où elle n'existait plus. On sait très bien que si on arrêtait les vaccinations, les maladies réapparaîtraient ».
Le tribunal d'Auxerre a choisi d'envoyer le dossier en Cour de Cassation, considérant ces questions comme « innovantes ». Cependant, pour le vice-procureur de la République, Grégory Leroy, « le débat soulevé ne porte par sur les réticences » en lien avec la vaccination, compte-tenu de l'amélioration des conditions de vie permise par la vaccination au XXe siècle. S'il a accepté d'appuyer la demande de question prioritaire de constitutionnalité, c'est parce qu'il estime qu'il y a « un enjeu fondamental entre la liberté et le droit de la santé ».
Si la Cour de Cassation valide le choix du tribunal d'Auxerre, la question sera envoyée à la Cour Constitutionnelle qui aura 3 mois pour se prononcer sur le dossier.