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Une bactérie responsable des troubles alimentaires ?

Rédigé par , le 09 October 2014 à 10h42

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Les troubles alimentaires touchent de 15 à 20 % des adolescents et jeunes adultes, et de 5 à 10 % de la population générale.

Les troubles alimentaires touchent de 15 à 20 % des adolescents et jeunes adultes, et de 5 à 10 % de la population générale.

Une étude, publiée le 7 octobre dernier et menée par l'Inserm et l'Université de Rouen, s'est intéressée aux liens entre l'intestin et le cerveau. Selon elle, la relation entre les deux organes pourrait être perturbée par une protéine intestinale, qui jouerait un rôle dans l'apparition de troubles alimentaires. 

À l'origine des troubles alimentaires

Publiés dans la revue Translational Psychiatry, les résultats de cette recherche ont pour vocation d'améliorer la compréhension des problématiques liées aux troubles alimentaires. En amont de ces découvertes, les chercheurs ont étudié la flore intestinale, où près de quelques milliards de bactéries tolérées par notre organisme, prolifèrent. L'unité mixte de recherche « Nutrition, inflammation et dysfonction de l'axe intestin-cerveau » s'est particulièrement intéressée à une des bactéries les plus communes de notre organisme, l'Escherichia coli, qui a la particularité de produire une protéine, la ClpB. Or, cette dernière serait responsable, dans certains cas, de la dérégulation de notre organisme. En effet, cette protéine est le « sosie moléculaire de l'hormone de satiété », la mélanotropine, qui informe le cerveau du fait que l'on n'a plus faim.

En cas de stress, la bactérie Escherichia coli prolifère, rendant active la ClpB, qui possède des propriétés anorexigènes. En réaction, des anticorps sont relâchés pour contenir la prolifération de ClpB. Cependant, comme l'hormone de satiété et la ClpB sont quasiment similaires, il arrive que les anticorps ne se lient pas aux bonnes molécules, et s'attaquent donc aux hormones de satiété. « Cette protéine trompe notre système immunitaire », explique le professeur Déchelotte, un des auteurs de l'étude. En conséquence de le réaction des anticorps, de fausses informations sont envoyées au cerveau. « Cela renforce le sentiment de satiété dans le cas de l'anorexie ou de faim dans le cas de la boulimie ».

Approfondir la compréhension de ces mécanismes

« C'est fascinant comme une petite protéine peut influencer notre fonctionnement cérébral », déclare Pierre Déchelotte. Pour aboutir à ces résultats, les chercheurs ont injecté la protéine à des souris. Les conséquences sur leur alimentation ne se sont pas fait attendre, leur faim étant soit stimulée soit coupée. Les conclusions tirées de cette expérimentation ont ensuite été testées sur des patients atteints de troubles alimentaires. Sur ces derniers, les taux d'anticorps dirigés contre la ClpB et la mélanotropine étaient bien plus élevés que sur des patients à l'alimentation « normale ». Les recherches ne sont pas pour autant abouties : « il reste à déterminer les facteurs qui expliquent pourquoi la protéine bascule sur un effet de satiété ou au contraire sur un effet de faim », confie Pierre Déchelotte. L'objectif de l'équipe est de pouvoir développer des tests de dépistage qui permettront de détecter ces anticorps, afin de reconnaître la protéine et de pouvoir agir sur elle. Des perspectives thérapeutiques via des antibiotiques sont envisagées pour corriger les effets de la protéine, mais la question doit encore être réfléchie et approfondie.

                                                                                                        Suite à l'action des anticorps en réaction à la prolifération de ClpB, le cerveau reçoit des informations erronées, qui perturbent le sentiment de faim.

Associer ces découvertes à la psychologie pour des traitements personnalisés

Les chercheurs ne renient pas l'aspect psychologique de ces troubles : « Il ne faut pas oublier que ces pathologies sont aussi associées à des troubles psychologiques qu’il faut prendre en compte », rappelle Sergeï Fetissov, le second auteur de l'étude. Cependant, l'aspect psychologique ne suffit plus pour traiter cette pathologie : « Traiter les troubles alimentaires seulement par le versant psychiatrique, c'est dépassé. Il faut s'intéresser davantage au corps et au microbiote (ensemble des bactéries présentes dans l'organisme). La prise en charge doit être globale, à la fois par la psychothérapie, les médicaments et aussi en prenant en compte l'organisme", affirme le professeur Déchelotte.

Ces recherches ouvrent de nouvelles perspectives pour combattre et traiter ces troubles alimentaires (anorexie, boulimie, hyperphagie) qui touchent aujourd'hui en France 20 % des jeunes femmes et 15 % des jeunes hommes entre 18 et 25 ans. « Il s'agit d'une maladie globale dont nous voulons éveiller la compréhension et l'appréhension », explique Sergueï Fetissov. Cependant, le développement d'un véritable traitement nécessitera encore beaucoup de travail. « Cela fait déjà dix ans que nous travaillons sur ce sujet ».

Ces chercheurs espèrent que grâce à ces découvertes, des thérapies spécifiques et personnalisées pourront être mises en place. Selon les auteurs de l'étude, ces troubles sont en progression dans la population, et particulièrement chez les jeunes. 

Retrouvez les explications du Professeur Déchelotte dans une petite vidéo juste ici !

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L'auteur
Laure Hanggi

Laure Hanggi

Rédactrice

Bio

Etudiante en histoire passionnée d'actualité en général et notamment des questions de santé moderne, en tant qu'enjeux de société. Voir plus

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