Restons-nous vraiment conscients après la mort ?
Rédigé par Laure Hanggi , le 09 October 2014 à 17h42
La lumière au bout du tunnel
Dans une étude publiée au mois de septembre dans la revue Resuscitation (réanimation en français), des chercheurs affirment qu'un état de conscience subsisterait après la mort. Comment faut-il comprendre ces résultats, qui font beaucoup parler d'eux depuis leur publication ?
Une étude de grande ampleur : que disent les chercheurs ?
Des chercheurs de l'Université de Southampton (Angleterre) ont mené depuis 6 ans l'une des plus vastes études jamais réalisées sur les expériences de mort imminente (EMI). Ces dernières, décrites souvent comme la sensation de sortir de son corps ou de voir une lumière blanche, sont source de questionnements depuis longtemps. Ces chercheurs ont analysés dans ce sens près de 2060 cas d'arrêts cardiaques dans 15 hôpitaux britanniques, autrichiens et américains. Ils ont constaté que dans certains cas, les victimes étaient toujours conscientes quelques minutes après l'arrêt du cœur. « Les preuves suggèrent que, dans les premières minutes après la mort, la conscience n'est pas annihilée », déclare le docteur Sam Parnia, principal auteur de l'étude.
L'équipe de chercheurs s'est appuyée sur les témoignages des 330 personnes du panel à avoir survécu, dont 40 % ont affirmé avoir eu des moments de conscience avant d'être réanimés. L'étude s'est ainsi focalisée sur l'étude de ces « moments », constituant le phénomène des expériences de mort imminente.
C'est cependant la durée de ces moments qui a le plus surpris les chercheurs. Selon le docteur Parnia, le cerveau cesse généralement de fonctionner « entre 20 et 30 secondes après l'arrêt cardiaque ». Or, un rescapé de 57 ans, en état d'arrêt cardiaque, a été conscient de ce qui l'entourait pendant près de 3 minutes. « En 25 ans de recherche, j'ai rencontré des dizaines de personnes qui ont été capables de me décrire précisément ce qui se passait autour d'elles à un moment où tous les chirurgiens, anesthésistes ou autres auraient juré qu'elles étaient inconscientes et incapables ni de percevoir ni de mémoriser », explique Jean-Pierre Jourdan, docteur en médecine spécialisé dans ce domaine.
Faut-il pour autant en conclure qu'il y aurait une forme de vie après la mort ? Pas si sûr.
Ce qu'il faut comprendre de cette étude
Pour le docteur Parnia, cette étude prouve l'existence d'un « moment de mort », qui commencerait au moment de l'arrêt cardiaque et s'étendrait durant une durée indéterminée. « Nous ne savons pas s'[il] s'estompe après, mais directement après la mort, nous sommes encore conscients. Le cerveau ne s'arrête pas quand le cœur s'arrête de battre ».
Cependant, nombre de scientifiques rappellent qu'il ne faut pas confondre les états de mort imminente et de mort effective. Pour le Docteur Reynier, du service d'anesthésie-réanimation cardiologie au CHU de Bordeaux, il n'y a rien d'étonnant dans ces manifestations de « conscience ». En effet, « Si le débit sanguin a été maintenu même faiblement dans le cerveau grâce au massage cardiaque prodigué par les médecins, le cerveau n'a pas eu le temps de souffrir. De plus, dans les cas où l'arrêt cardiaque survient alors que le patient est sous anesthésie générale, il peut arriver qu'on laisse un peu tomber l'effort anesthésique, ce qui conduit le cerveau à se mettre en vigie, un simili d'état de veille ». Le cerveau est donc sensible aux stimulations extérieures et « enregistre » ce qui se passe automatiquement. Cet enregistrement se manifeste ensuite chez la personne ranimée par des souvenirs plus ou moins clairs.
Bien que fascinantes à étudier, ces expériences ne constituent en aucun cas des situations de mort effective, la différence entre les deux étant une question de nature et non de degré. Faire une EMI ne signifie pas être au seuil de la mort, mais expérimenter quelque chose de différent. « Le fait d'être proche de la mort n'offre pas d'indication scientifique sur ce qu'est être mort », remarque le docteur Reynier.
Le docteur Parnia l'affirme lui-même en parlant de « moment de mort », « la mort n'est pas un moment spécifique, mais un processus réversible ». On peut apparenter cela à une personne grièvement blessée ou ayant fait une attaque qui est "ramenée à la vie". Mais tant que le retour est possible, on ne peut pas parler de mort.