Les lémuriens portent-ils le secret de l'hibernation humaine ?
Rédigé par Laure Hanggi , le 07 October 2014 à 15h10
Un Cheirogaleus Medius, petit lémurien vivant à Madagascar
Des chercheurs américains s’intéressent aux mécanismes permettant l’hibernation chez les lémuriens. Ces animaux sont en effet les seuls primates à hiberner, et cette capacité nourrit l’espoir de futures applications médicales chez l’Homme.
L'hibernation : un défi médical
Des chercheurs américains du Duke Lemur Center s'intéressent depuis quelques années à la capacité du lémurien à hiberner. Cette dernière, découverte en 2005 par des chercheurs allemands, lors de leur étude des Cheirogaleus medius (espèce de lémuriens vivant à Madagascar), prouve que les primates peuvent hiberner. Or, le monde scientifique était jusqu'alors convaincu du contraire.
L’intérêt des chercheurs dans ce domaine s’explique par le fait que le lémurien est l’animal le plus proche génétiquement de l'Homme à hiberner. Pour Peter Klopfer, du Duke Lemur Center, les lémuriens sont le meilleur moyen de comprendre comment l'hibernation pourrait s'appliquer à Homme.
Cet état, qui se caractérise par un ralentissement du métabolisme (le corps tourne au ralenti) et un abaissement de la température du corps, permet d’économiser les réserves d’énergie et de réduire la consommation d’oxygène. Ce sont justement ces spécificités qui intéressent les chercheurs. En effet, si l’Homme pouvait être placé de manière artificielle dans cet état, des cas d'urgence médicale pourraient être traités avec une marge de manœuvre beaucoup plus large. Cette hibernation artificielle, que l'on appelle « animation suspendue », faisait déjà parler d’elle il y a plusieurs décennies dans le monde de la médecine.
Dans les années 1950, on discutait en effet des bénéfices que l’animation suspendue pourrait apporter à la médecine dans le traitement des grands blessés de guerre ou des grands choqués. Aujourd'hui, si cette technique était utilisée dans des situations où nos cellules n’ont pas accès à des quantités suffisantes d'énergie et d'oxygène (arrêt cardiaque, grave accident de la route, blessure par balle), le taux de survie pourrait être élevé de manière importante. Ralentir le métabolisme de moitié permettrait de doubler le temps de survie sans oxygène. S’il était ralentit de 90 % (autrement dit si le corps fonctionnait à 10 % de ses capacités), le temps de survie serait décuplé. De plus, alors qu’une absence d’oxygène de 15 à 20 minutes peut provoquer des lésions importantes au cerveau, l’animation suspendue pourrait allonger le délai de réanimation d’un individu jusqu’à un jour.
Percer le mystère de l’hibernation
C’est en raison de ces utilisations potentielles en médecine que les chercheurs du Duke Lemur Center étudient l’hibernation des lémuriens. Ils cherchent à en comprendre les mécanismes, afin de savoir si l’Homme pourrait réellement en bénéficier dans le futur.
C’est un véritable défi de la recherche inter-espèces. Il faut trouver l’ingrédient secret permettant l’hibernation chez le lémurien qui pourrait convenir à notre physiologie, pour que les applications médicales mentionnées relèvent du possible. Il faut donc trouver un dénominateur commun aux métabolismes des humains et des lémuriens.
En effet, si l’hibernation a les mêmes caractéristiques chez tous les animaux concernés, les mécanismes la permettant divergent selon les espèces. C’est pourquoi les études concernant l’Homme se concentrent sur le lémurien. Plusieurs hypothèses concernant l’origine de la mise en hibernation ont été formulées. Celles-ci évoquent notamment le rôle de différentes protéines et molécules, dont certaines influencent le ressenti de la faim et de la satiété. Cependant, de nombreux scientifiques sont convaincus que la clé de l’hibernation chez les humains réside dans la molécule AMP. Injectée dans des souris lors d’une expérience, le métabolisme de ces dernières était ralenti de 90 % pendant plusieurs minutes, avant de revenir à la normale.
La science-fiction restera encore sûrement quelques-temps le seul endroit où l’hibernation humaine est une réalité. Cependant, tout le monde s’accorde, dans le monde de la recherche, sur le fait que pouvoir protéger les cœurs et les cerveaux pendant des heures, si ce n’est des jours, bouleverserait le monde de la médecine moderne.