Le premier enfant conçu après une greffe d'utérus est né ce week-end
Rédigé par Laure Hanggi , le 06 October 2014 à 18h09
La naissance de ce bébé est une première mondiale.
La prestigieuse revue médicale britannique The Lancet a annoncé ce samedi 4 octobre qu'une femme avait donné naissance à un enfant suite à une transplantation d'utérus. Cette première mondiale représente un formidable espoir pour la lutte contre l'infertilité.
Une prouesse médicale suédoise
Ce week-end, une suédoise de 36 ans née sans utérus suite à une affection génétique, a donné naissance à un petit garçon, après une greffe d'utérus. Cette première mondiale est une avancée sans précédent dans la lutte contre l'infertilité utérine, qui touche des milliers de femmes.
Ce succès est le résultat de « plus de dix ans de recherches intensives et d'entraînement chirurgical de notre équipe. [Cela va permettre] de traiter bon nombre de jeunes femmes dans le monde qui souffrent d'infertilité utérine », a déclaré le professeur Mats Brännström dans The Lancet. Spécialiste de gynécologie obstétrique à l'université de Gothenburg, il était à la tête de l'équipe qui a effectué la greffe. Selon lui, cette prouesse démontre également « la faisabilité de la transplantation d'utérus d'une donneuse vivante, même lorsque cette dernière est ménopausée ». En effet, la donneuse, une amie de la famille, avait 61 ans et était ménopausée depuis 7 ans lorsque l'opération a eu lieu.
Avant cette première mondiale, des tentatives avaient déjà été effectuées, mais celles-ci s'étaient toujours soldées par des échecs. Le professeur René Frydman (père scientifique du premier bébé-éprouvette) s'est enthousiasmé de cette nouvelle sur France Info, en déclarant que c'était la première fois qu'un enfant se développait dans le corps de sa mère, mais dans un utérus qui n'était pas celui de cette dernière.
De l'espoir pour la lutte contre l'infertilité
Selon les spécialistes à l'origine de la transplantation, l'absence d'utérus « était le seul type d'infertilité féminine jusque là considéré comme au delà des ressources thérapeutiques ». Ainsi, l'espoir est immense chez les femmes sans utérus, qui en souffrent depuis leur naissance ou qui ont dû se le faire retirer.
La nouvelle mère faisait partie de 9 suédoises à s'être fait implanter un utérus issu d'une donneuse vivante en 2013. Elle et six autres femmes du groupe étaient atteintes du syndrome MRKH qui amène à l'absence totale ou partielle du vagin et de l'utérus. Une femme sur 5000 en est victime à la naissance.
Selon The Lancet, plus de 12 000 femmes en âge d'être mère présentent des facteurs d'infertilité d'origine utérine au Royaume-Uni. Quant au professeur René Frydman, il estime qu'une « centaine de patientes pourraient être demandeuses en France ».
Comment cette procédure fonctionne-t-elle précisément ? Dans le cas de la jeune femme, dont les ovaires étaient intacts, ses ovules ont été fécondés par FIV (fécondation in vitro), permettant à l'équipe médicale d'obtenir 11 embryons congelés. Un an après la transplantation de l'utérus, les chercheurs y ont implanté un seul de ces embryons, aboutissant ainsi à une grossesse. Le professeur Brännström précise « qu'un seul épisode de faible rejet [a été observé] durant la grossesse. [Ce dernier] a été traité avec succès avec des corticostéroïdes, et la mère a travaillé à plein temps jusqu'à la veille de l'accouchement ».
Néanmoins, si pendant les 31 première semaines tout s'est passé sans problème, la jeune femme a ensuite été hospitalisée et une césarienne a dû être pratiquée. En cause de cette intervention, une pré-éclampsie (hypertension pouvant apparaître dans la seconde moitié de la grossesse) dangereuse pour le fœtus.
Une transplantation éphémère
Bien que le petit garçon ait été gardé en unité néonatale pendant 10 jours (il ne pesait qu'1,8 kilos à la naissance), la bonne santé de la mère et de son bébé est symbolique du succès de cette opération,
Cette technique pourrait également éviter à certains femmes d'avoir recours à des mères porteuses. Cependant, la patiente dont il est question ici (et les possibles futures autres) ne pourra pas garder l'utérus pendant plus de deux grossesses. La greffe d'utérus est ainsi la « première greffe éphémère ». En effet, les chercheurs expliquent que cette ajournement de la greffe est fait pour éviter les effets secondaires liés aux médicaments que les greffées doivent prendre pour limiter les rejets.
Néanmoins, comme le note le professeur René Frydman, cette prouesse, en plus d'ouvrir des perspectives, pose aussi des questions éthiques. Les donneuses pour la greffe d'utérus « peuvent être des donneuses vivantes, provenant de l'entourage (comme c'est le cas ici) et cela mérite des précautions et qu'on y réfléchisse », a-t-il déclaré en pensant notamment à la question de la relation entre la mère, l'enfant et la donneuse. Il ne faut pas penser « qu'il suffit d'un claquement de doigt et de dire oui », finit-il.
Cette première mondiale reste tout de même un événement très positif pour les femmes concernées et pour le monde de la médecine.