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Quand les sectes s'infiltrent dans le domaine de la santé

Rédigé par , le 05 November 2014 à 16h00

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Les dérives sectaires sont de plus en plus nombreuses selon le CCMM.

Les dérives sectaires sont de plus en plus nombreuses selon le CCMM.

Le Centre Contre les Manipulations mentales (CCMM) vient de lancer une nouvelle campagne, lundi 3 novembre, pour lutter contre l'accroissement des impostures et escroqueries dans le monde médical. Selon l'association, les personnes, souvent très malades et vulnérables, ayant recourt à de faux médecins ou à des « traitements miracles » sont de plus en plus nombreuses.

 Un constant inquiétant

C'est en réponse à la multiplication des gourous et autres charlatans dans le domaine médical que le Centre Contre les Manipulations Mentales (CCMM) a lancé une nouvelle campagne de sensibilisation lundi 3 novembre. L'objectif pour le Centre : mettre en garde les patients contre ce type de pratiques, avec le message choc : « Danger ! Attention aux traitements miracles et aux faux thérapeutes ».

Pour la présidente du CCMM, Laure Telo, « on assiste [aujourd'hui] à l'explosion d'une multitude de petites structures qui échappent aux gardes fous ». Celles-ci représentent « un terreau fertile pour capturer les proies faciles que sont les patients en souffrance ».

Particulièrement visés par cette campagne, les psychothérapeutes autoproclamés, sans formation et ne figurant sur aucun registre officiel, seraient plus de 4000 en France selon la Miviludes (Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires), partenaire de cette campagne. Les conseils délivrés par ces personnes peuvent être très dangereux pour les patients.

En effet, ces imposteurs sont connus pour rejeter les méthodes de la médecine « classique » (médicaments, opérations, etc) pour favoriser messages et autres incantations. Les plus vulnérables semblent être les personnes atteintes de cancer, qui d'après la Miviludes, seraient 60 % à s'être déjà tournées vers ces pratiques sectaires. Les personnes âgées, de 80 ans et plus, seraient également une cible privilégiée de ces « médecines alternatives nuisibles », comme les définit la campagne de sensibilisation.

Selon la CCMM, 22 % des dérives signalées concerneraient le domaine de la santé.

Pourquoi un tel développement ?

Dans le domaine médical, la dérive sectaire cible essentiellement les personnes atteintes de maladies graves et longues. Ces imposteurs s'appuient sur la peur que créent ces maladies et sur l'angoisse de la mort. Pour le professeur Philippe-Jean Parquet, psychiatre et membre du conseil d'orientation de Miviludes, « les gourous profitent [de cette peur pour faire] douter de la médecine classique, de sa capacité à tout guérir ».

Face à cela, ces « pratiques alternatives » développent un discours séduisant au sein d'une stratégie de communication bien rodée. Comme le note Serge Blisko , président de la Miviludes, des patients écrasés par le poids de la maladie peuvent se laisser tenter par des méthodes soi-disant sans effets secondaires et sans traitements lourds. « La radiothérapie et la chimiothérapie sont des traitements lourds. Qui a envie de passer son temps à vomir ? », remarque Annie Guibert, présidente du CCMM au niveau national.

                                                                         Les personnes victimes de cancer sont particuli?rement vuln?rables face aux d?rives sectaires.

Le danger, c'est que ces « faux thérapeutes » incitent les malades à arrêter (au péril de leur vie) complètement leur traitement pour se tourner vers d'autres non-médicaux, composés d'ingurgitations de plantes et de massages.

Une des méthodes les plus répandues dans ce milieu découle des théories de la « biologie totale », qui affirme que toutes les pathologies relèveraient d'un conflit psychologique non résolu. Les médicaments et autres traitements de la sorte seraient donc inutiles.

Pour Serge Blisko, il faut être extrêmement vigilant vis-à-vis de ces individus, dès lors qu'ils imposent de substituer le traitement des malades à des méthodes alternatives illégales : « C’est toute la différence entre une thérapie complémentaire et une alternative. Quand on pousse un malade du cancer à arrêter sa chimiothérapie en le convaincant que sa maladie provient d’un traumatisme psychologique d’ordre familial comme dans la « nouvelle médecine germanique » ou qu’on lui conseille de préférer le jus de fruit ou une méthode d’imposition des mains comme le reiki, il y a grand danger ».

Comment lutter contre ce phénomène ?

Les patients vulnérables étant de plus en plus nombreux à recourir à ces pratiques, la CCMM estime urgent de mettre en place des mesures pour lutter contre ce phénomène.

Le Centre recommande aux médecins et au corps médical dans son entier de communiquer et d'informer leurs patients plus fréquemment sur ce sujet. « Si les médecins classiques faisaient l’effort de comprendre le besoin qu’ont leurs malades de se tourner vers les thérapies complémentaires et arrêtaient de tourner le sujet en dérision, ils pourraient ouvrir le dialogue et jouer un rôle précieux pour aider leurs patients à discerner les pratiques dangereuses », souligne Serge Blisko, lui-même médecin de formation.

Les associations pointent  également du doigt la « technicité » de la médecine classique comme facteur de la hausse des dérives sectaires, celle-ci ne laissant que peu de places à des considérations psychologiques. Les malades se tourneraient alors vers des personnes qui sembleraient à leur écoute. « La santé est un domaine très intimiste. Et le relationnel ne fait pas partie de la formation des nouveaux médecins », note le professeur Jean-Philippe Parquet. Ce que reconnaît volontiers le conseil national de l'Ordre des médecins : « Les professionnels de la santé sont débordés et ont effectivement tendance à être trop techniciens et limiter l'écoute au strict minimum. Alors qu'en face, il y a des non-professionnels qui ont beaucoup de temps et peuvent être plus empathiques », concède le docteur Patrick Romestaing, vice-président à l'ordre.

Le phénomène des dérives sectaires reste compliqué à chiffrer, les personnes en étant victimes n'osant pas porter plainte, car se sentant coupables de leur situation. Le CCMM suit néanmoins près de 200 dossiers par an.

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L'auteur
Laure Hanggi

Laure Hanggi

Rédactrice

Bio

Etudiante en histoire passionnée d'actualité en général et notamment des questions de santé moderne, en tant qu'enjeux de société. Voir plus

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