L’Établissement Français du Sang perd le monopole du don du sang
Rédigé par Charlotte Canonne , le 02 February 2015 à 15h06
C’est le modèle éthique du don du sang français qui est complètement remis en cause avec cette nouvelle tombée le lundi 2 février 2015. L’EFS (L’Établissement Français du Sang) perd le monopole du don du sang. Mais que veut dire cette privatisation soudaine, quels sont les enjeux et les dangers ?
Vers une privatisation du commerce français du sang
La perte de monopole du don du sang par l’Établissement Français du Sang soulève un fait majeur : il ne serait plus gratuit. Les donneurs volontaires recevraient un paiement de 50 € par don, cela se fait déjà aux États-Unis, en Allemagne ou en Chine. Cela signifie la fin du modèle éthique et économique que connaissait la France jusqu’alors. Ce qui est le plus surprenant, c’est qu’organiser un don du sang gratuit est plus coûteux que de payer les donneurs. La communication et l’organisation des campagnes de collectes fait perdre plus d’argent que donner 50 € par don. Ainsi, le prix d’une poche de plasma n’est pas le même que pour une entreprise privée, pouvant parfois être doublé.
La raison est que depuis le mois de juillet 2013, l’EFS ne possède plus l’exclusivité de la commercialisation du plasma « SD » qui est l’un des trois plasmas thérapeutiques que l’établissement produit. Son principal concurrent est suisse et s’appelle Octopharma. Il souhaitait depuis quelques temps obtenir une autorisation de mise sur le marché en France d’ « Octoplas » son propre « plasma SD », ce que lui a octroyé le Conseil d’État.
Cette perte d’exclusivité signifie qu’ils peuvent vendre en toute légalité ce plasma qui est un composant liquide du sang mais plus riche en protéines. C’est bien cela le problème : contrairement au sang de l’EFS, ce sang est modifié. C’est d’ailleurs pour cette raison que depuis 1998, l’établissement public possédait le monopole de la collecte du sang, des plaquettes et du plasma ainsi que de leur commercialisation dans le but de stopper tout scandale à propos de sang contaminé. Contrairement à Octopharma, les « produits » de l’EFS sont peu transformés et possèdent une durée de conservation très courte.
La fin d’un modèle éthique
Cette annonce a provoqué un véritable tollé auprès de deux syndicats : l’IGAS et l’IGF qui ont tout de suite annoncé un audit de la filière du plasma en France. Cette privatisation serait la fin de la gratuité du don du sang, non pas qu’il faille payer pour donner son sang, mais à l’inverse, être payé pour le donner. Ce n’est pas la seule menace qui plane sur l’Établissement Français du Sang, cette nouvelle pourrait impliquer la suppression de « 500 à 1200 emplois ». Même si rien n’est sûr pour le moment, quatre syndicats de l’EFS ont fait grève la semaine dernière pour « obtenir des réponses et des engagements pour l’avenir de l’EFS et des emplois ».
Le don du sang est un marché qui rapporte gros, avec 12 milliards d’euros évalués sur une année, on ne doute pas que la concurrence continuera d’engendrer des bénéfices sur le territoire français. La France serait d’ailleurs moins compétitive dans le domaine de la vente des produits dérivés du sang que dans les pays où les entreprises privées sont à la tête du marché. Pourtant, acheter des produits dérivés du sang en France n’est pas nouveau, 40 % des médicaments à base de sang, achetés par des hôpitaux de l’Hexagone proviennent de donneurs rémunérés.
Cette perte de monopole a de quoi effrayer l’opinion publique sur les contrôles de sécurité et de qualité du sang. Être payé pour donner son sang, certes mais à quel prix ?