Sommeil, marchand de sable et comptage de moutons : la vérité dévoilée
Rédigé par Anthony Laforce , le 14 March 2014 à 14h00
Et si tout cela n'était qu'un mythe ? On nous aurait menti. Pour nous rassurer, une interview du docteur Richard Sartène qui nous explique en quoi consistent réellement les troubles du sommeil.
La médecine du sommeil est assez méconnue du grand public mais traite pourtant de troubles qui peuvent s'avérer très embarrassants pour un patient. Le sommeil est essentiel aux êtres-vivants pour leur permettre de récupérer, notamment par le repos des muscles et du cerveau. L'Homme étant le plus anxieux de tous, de nombreux troubles liés à son sommeil peuvent apparaître. La parasomnie, l'hypersomnie, l'insomnie sont autant de termes dont vous maîtrisez mal la définition ? Nous avons interrogé le Docteur Richard Sartène, exerçant dans le 14ème arrondissement parisien pour les éclaircir.
Allo-Médecins : Pouvez-vous nous préciser tout d'abord si la médecine du sommeil est reconnue comme une branche médicale ?
Richard Sartène : Oui tout à fait, elle est même reconnue comme une spécialité appelée « troubles et apnées du sommeil ».
A-M : Existe-t-il des symptômes typiques qui amènent les patients à venir vous consulter ?
R.S : Il y en a un en particulier qui amène la plupart des gens à consulter un médecin du sommeil, c'est bien sûr l'insomnie. Quand une personne a des problèmes pour s'endormir, c'est très frustrant, elle peut ainsi rester une heure, deux heures, voire trois heures à regarder le réveil et à se demander quand elle va enfin s'endormir. Le sommeil vient alors généralement en deuxième partie de nuit, et les personnes sont donc exténuées le matin venu. Cela empire avec les jours et finit par réellement affecter leur vie sociale, familiale et professionnelle. C'est généralement à ce moment là qu'ils consultent.
A-M : Mais il existe également des problèmes liés au sommeil qui sont inconscients ?
R.S : Un individu peut être ronfleur ou faire des apnées du sommeil et ne pas s'en rendre compte, cependant il fait forcément des micro-réveils, c'est à dire qu'il sursaute, se réveille, et finira donc au bout d'un moment par prendre conscience qu'il a un trouble du sommeil. D'autres problèmes liés au sommeil sont les parasomnies, les gens peuvent par exemple être somniloques (parler pendant leur sommeil), avoir des terreurs, ou des mouvements de jambes constants : leur sommeil profond est alors haché sans qu'ils ne s'en rendent compte. Dans tous les cas, c'est généralement le compagnon ou la compagne qui signale au patient qu'il a un problème durant son sommeil.
A-M : Dans le cas des parasomnies, la plus connue reste l'apnée du sommeil, pouvez-vous nous expliquer son fonctionnement ?
R.S : L'apnée du sommeil a un fonctionnement très mécanique. Lors du passage de l'air, il y a un obstacle physiologique : un cou un peu court ou une langue trop en arrière par exemple. L'écoulement de l'air ne se fait pas correctement, il devient turbulent et provoque ainsi du bruit : c'est le ronflement. Là-dessus se superpose le sommeil profond pendant lequel les voies aériennes peuvent se fermer encore plus, il n'y donc plus assez de place pour que l'air passe. Au bout de 20 à 30 secondes, le cerveau envoie un signal au corps pour que celui-ci réagisse, il en résulte généralement une grande inspiration, plutôt soudaine, typique des apnées du sommeil (comme quelqu'un qui sortirait la tête de l'eau avant de se noyer). Pour que le cerveau soit actif, pour donner un ordre, il a fallu qu'il se mette en micro-éveil. Les personnes souffrant d'apnée du sommeil ont donc un sommeil profond très haché, ils peuvent avoir de 20 à 30 micro-éveils par heure.
Le traitement n'est ni médicamenteux, ni comportemental. La méthode la plus efficace est de placer le patient sous PPC (pression positive continue) : le patient porte un masque pour dormir. On stabilise très bien l’apnée du sommeil grâce à ce système qui impulse de l’air et force donc le passage en cas d’apnée. Les seuls cas d’échec surviennent finalement quand le patient ne supporte pas le masque pour dormir.
Une autre méthode (moins) efficace consiste à mettre une prothèse dans la bouche avant d'aller au lit. Placée sur la mâchoire inférieure, elle permet d'augmenter la taille du passage derrière la langue. Cette méthode n’est efficace que partiellement..
A-M : Si le port d'un masque est nécessaire, la sécurité sociale le prend-elle en charge ?
R.S : Une machine avec masque respiratoire coûte environ 100 à 120 euros par mois. La sécurité sociale le prend effectivement en charge, ainsi que les mutuelles. Votre médecin doit contacter des prestataires extérieurs qui livrent et installent l'appareil chez vous.
A-M : Vous nous avez parlé de la parasomnie, à l'inverse, qu'est-ce que l'hypersomnie ?
R .S : Les gens atteints d'hypersomnie ont des durées de sommeil très longues, bien supérieures à la normale. Ils peuvent dormir jusqu'à 15 heures voire même 18 heures d'affilée. L'hypersomnie est souvent caractéristique d'un problème génétique mais peut ne pas avoir de raison particulière. La plus connue est l'hypersomnie avec cataplexie, c'est à dire que les gens sont debout et s'endorment, ils peuvent simplement tomber par terre d'un moment à l'autre. C'est ce que l'on appelle la narcolepsie.
A-M : Comment traitez-vous les pathologies de vos patients ?
R.S : Certains troubles du sommeil des patients sont parfois induits par des pathologies, rhumatismes, chimiothérapie, etc. Je ne peux dans ce cas bien sûr pas les guérir. Mais dans le cas d'insomnies comportementales par exemple où les gens se couchent et mettent une à trois heures à s'endormir, nous pouvons les aider. Ces problèmes sont en fait dus à des ruminations personnelles. Les patients doivent alors faire le tri entre les sujets sur lesquels ils peuvent intervenir par eux-mêmes et seulement par eux-mêmes, souvent liés au stress provoqué par le travail, la famille etc. et les sujets qui mettent d'autres personnes en jeu.
Cela concerne souvent une relation amoureuse, le cercle familial ou professionnel. Il y a un tri important à faire dans les interrogations qui ne seront de toutes façons pas réglées sur le moment parce qu'elles incluent une ou d'autres personnes et dont on doit se séparer en allant se coucher et les interrogations simples, à régler tranquillement mais de préférence le lendemain matin.
A-M : La médecine du sommeil est finalement très liée à la psychologie ?
R.S : Oui bien sûr, le comportement est essentiel, si les problèmes de sommeil des gens viennent du fait qu'ils sont stressés, angoissés pour des raisons affectives ou sociétales, notamment le travail.
A-M : Envoyez-vous souvent vos patients chez un psychiatre ?
R.S : Je ne les envoie que très rarement chez des psychiatres. Je traite mes patients moi-même car je dois principalement les aider à s'endormir, non pas régler les problèmes qu'ils ont dans la journée, ce qui est le rôle des psychiatres. Grâce à moi ils apprendront à ne plus gérer leurs problèmes une fois dans leur lit mais à un moment plus opportun.
A-M : Êtes-vous en mesure de prescrire des médicaments à vos patients ?
R.S : Oui, pour aider un patient à passer une période difficile avec de nombreux troubles du sommeil je peux lui prescrire des calmants, généralement en petite dose, pendant 15 jours à 3 semaines pour qu'il reprenne confiance, lui montrer qu'il peut encore dormir. Je ne veux surtout pas qu'ils soient hébétés pendant la journée, j'essaye donc de toujours donner la prescription minimale.
Nous vous remercions Docteur Richard Sartène pour votre collaboration aux Questions de Santé d'Allo-Médecins.fr et vous retrouverons très bientôt pour répondre aux autres interrogations que se posent nos lecteurs sur les troubles du sommeil.
Nous vous laissons découvrir nos questions réponses liées aux troubles du sommeil pour en apprendre un peu plus encore !