Votre cerveau reste à l’écoute même lorsque vous dormez
Rédigé par Marie Penavayre , le 12 September 2014 à 17h39
Vous dormez profondément pendant le discours de votre supérieur hiérarchique quand soudain, vous émergez spontanément à l’appel de votre nom. Pourquoi aucun autre son de même intensité n’est parvenu à vous réveiller ? Une étude française s’est intéressée au traitement sémantique de notre cerveau pendant que nous dormons. Et le résultat est surprenant…
Dormir pour mieux se souvenir
Le sommeil est loin d’être un phénomène passif avec pour seule finalité la récupération physique. Au contraire, notre cerveau est particulièrement actif pendant la nuit. Le sommeil permet notamment la consolidation des souvenirs et de l’apprentissage. De nombreuses études montrent qu’un conditionnement établi pendant l’éveil peut donner des réponses conditionnées pendant le sommeil. C’est pourquoi nous nous réveillons plus facilement à l’écoute de notre nom qu’en entendant d’autres sons de même intensité : notre cerveau endormi est capable de reconnaître automatiquement un stimulus connu, qui a été conditionné par l’apprentissage. Mais est-il pour autant capable d’effectuer un traitement sémantique des informations perçues pendant le sommeil ?
C’est précisément la question que s’est posée l’équipe du Pr Sid Kouider du laboratoire de sciences cognitives et psycholinguistique du CNRS.
Chien… stylo… chaise… singe…
Les chercheurs ont entraîné des sujets à un exercice de catégorisation de mots. Une liste de mots leur était dictée toutes les 9 secondes, et chacun des participants devaient presser un bouton de la main droite si le mot désignait un animal ou de la main gauche s’il s’agissait d’un objet. Pendant ce temps, les chercheurs mesuraient leur activité cérébrale grâce à un électroencéphalographe (EEG). Ces derniers ont ainsi pu identifier un marqueur cérébral de la prise de décision et de la préparation à l’action : le mouvement de l’une ou de l’autre main était associé à l’activation de différentes zones cérébrales, selon l’appartenance des mots à l’une ou l’autre de ces catégories. Après un certain nombre de séries, les participants étaient capables d’identifier la catégorie de chacun des mots de façon automatique : leur cerveau décodait spontanément le sens du mot et se préparait à la réponse adaptée.
Afin de voir si les sujets étaient capables d’effectuer la même catégorisation pendant leur sommeil, les chercheurs les ont laissés dormir dans une pièce sombre tandis qu’une autre série de mots leur était dictée.
Résultats : le marqueur cérébral de la décision et de la préparation à l’action s’activait de la même façon qu’à l’éveil. Bien que plongés dans un sommeil profond, le cerveau des sujets continuait de catégoriser les mots et de déclencher la réponse motrice appropriée. « Leur cerveau est resté capable de percevoir les sons de l'environnement, d'extraire la signification des mots et de décider quelle action mener – bouger la main droite ou la main gauche », commentent les chercheurs.
Exploiter le temps de sommeil pour l’apprentissage ?
D’après les chercheurs, cet exercice répétitif montre que n’importe quelle tâche automatisable est entretenue par le cerveau et est susceptible d’être exécutée pendant le sommeil. L’automatisation du processus étant permise par l’entraînement, ces résultats ouvrent la voie à de nouvelles études sur l’apprentissage pendant le sommeil. Pourquoi ne pourrait-on pas par exemple apprendre une langue pendant son sommeil ? D’après Sid Kouider, il suffirait pour cela de présenter à un sujet éveillé un mot en français et sa traduction, tout en lui demandant de dire « oui » si les deux mots sont dans la même langue et « non » dans le cas contraire. La même tâche réalisée pendant son sommeil permettrait d’extraire la signification des mots et de consolider l’apprentissage…