Suggestions

Spécialités les plus consultées

Suggestions

Choisissez une région

Espace Pro
/ / Antibiotiques : notre surconsommation pourrait conduire à la réapparition de maladies mortelles

Antibiotiques : notre surconsommation pourrait conduire à la réapparition de maladies mortelles

Rédigé par , le 07 November 2014 à 14h29

Vous aimez cet article ?
Les antibiotiques sont redevenus automatiques.

Les antibiotiques sont redevenus automatiques.

L'Agence nationale de la sécurité du médicament (ANSM) met en garde, dans un rapport rendu public jeudi 6 novembre, contre la surconsommation d'antibiotiques en France. Si une baisse de la consommation a été observée durant les années 2000, celle-ci est repartie à la hausse depuis 2010, avec des conséquences sur la santé qui inquiètent les spécialistes.

La France : le mauvais élève de l'Europe

Selon le dernier rapport de l'Agence nationale de la sécurité du médicament (ANSM), présenté hier lors d'une conférence de presse, la consommation d'antibiotiques en France connaît une hausse « préoccupante » depuis 2010. En effet, si celle-ci avait baissé, entre 2000 et 2013, de 10,7 %, suite à plusieurs campagnes d'information (« les antibiotiques, c'est pas automatique »), la consommation a connu une hausse de 5,9 % depuis 2010.

La France se distingue au niveau mondial par sa forte consommation de médicaments. Elle est d'ailleurs l'un des plus gros utilisateurs d'antibiotiques en Europe (le 4ème, derrière la Grèce, la Roumanie et la Belgique). Sa consommation d'antibiotiques est ainsi 30 % supérieure à la moyenne européenne, selon Philippe Cavalié, un responsable de l'ANSM. Les Français surpassent même les Américains de 25 %, pourtant réputés pour leur utilisation systématique de ces médicaments (cystite, pneumonie, acnée, etc).

Les profils de ces consommateurs sont également détaillés dans le rapport de l'ANSM. On apprend ainsi que 59,3 % d'entre eux sont des femmes, cette majorité pouvant s'expliquer par la fréquence des cystite (infection urinaire) dans la population féminine. Les enfants et les personnes âgées sont également très nombreux, car particulièrement touchés par les affections des voies respiratoires (70 % des prescriptions d'antibiotiques).

Cette surconsommation intervient particulièrement en ville (90 %) (par opposition aux hôpitaux (10 %)) où exercent les professionnels de santé libéraux en cabinet et où les génériques représentent la quasi totalité de cette consommation (82,5 %). L'hôpital n'est toutefois pas en reste, puisque 40 % des patients reçoivent une dose d'antibiotiques quotidiennement, un chiffre beaucoup trop élevé pour l'ANSM.

Pour Philippe Cavalié, « il est temps de trouver de nouvelles actions pour faire baisser à nouveau la consommation d'antibiotiques en France ».

                                                                                 La France est l'un des plus gros consommateurs d'antibiotiques au monde.

La surconsommation amène à une baisse de l'efficacité des antibiotiques

« Sans une action urgente et coordonnée, le monde se dirige vers une ère post-antibiotiques où des infections banales, des plaies mineures traitables depuis des décennies, pourront à nouveau tuer », prévenait déjà en avril le Dr Fukuda, directeur général adjoint de l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS).

Cet avertissement, l'ANSM le réitère dans son rapport. En effet, la hausse de la consommation d'antibiotiques a pour effet pervers de limiter l'efficacité de ceux-ci via l'accroissement de la résistance des bactéries à ces médicaments. Les pénicillines demeurent les antibiotiques les plus consommés et de manière croissante, souvent en association avec d'autres molécules. Or, pour les experts de l'ANSM, ces associations sont « préoccupantes » car elles peuvent être génératrices de résistances bactériennes.

Cette situation est d'autant plus inquiétante que ces résistances conduisent à un développement des situations d'impasses thérapeutiques, qui peuvent être fatales. Selon l'OMS, 25 000 personnes meurent chaque année dans l'Union Européenne, suite à ces résistances bactériennes.

En effet, la recherche antibiotique est elle-même dans une impasse, « très peu de molécules (antibiotiques) [ayant] été introduites au cours des dernières années », selon les spécialistes de l'ANSM. Ainsi, en 12 ans, seulement 10 nouvelles substances antibiotiques ont été mises sur le marché.

70 ans après leur création, les antibiotiques ont ainsi été presque totalement exclus des laboratoires de recherche, principalement pour des raisons économiques.

Relancer la prévention

Cette étude de l'ANSM s'inscrit dans le cadre du Plan Antibiotique 2011-2016, dont l'objectif est de réduire d'ici 2016 la consommation d'antibiotiques de 25 %. Un objectif « mal engagé » sans inversion de tendance dès l'année prochaine, selon le responsable du rapport.

Le gouvernement veut en effet relancer une campagne de sensibilisation, telle que celle mise en place durant les années 2000 qui avait fait fortement baissé la consommation. Cependant, les messages de cette campagne n'ont aujourd'hui plus d'effet et la non-automaticité de la prise d'antibiotique souvent oubliée. Comme le souligne Philippe Cavalié, « certains patients exercent une pression pour que leur médecin prescrive un antibiotique (…) et le message des campagnes s'est essouflé ».

C'est pourquoi « les actions entreprises pour parvenir à une juste utilisation des antibiotiques, pour prévenir le développement des résistances bactériennes et pour promouvoir le développement de nouvelles substances, sont des priorités de santé publique », conclut-il. 

Vous aimez cet article ?
L'auteur
Laure Hanggi

Laure Hanggi

Rédactrice

Bio

Etudiante en histoire passionnée d'actualité en général et notamment des questions de santé moderne, en tant qu'enjeux de société. Voir plus

commentaires