Le Soriatane, dangereux pour la santé du foetus
Rédigé par Alexis Van Wittenberghe , le 06 March 2014 à 18h00
L'acitrétine, fortement déconseillé pour les femmes enceintes
L’agence nationale de santé et du médicament (l’ANSM) a émis un avis défavorable quant aux conditions d’utilisation de l’acitrétine, un anti acnéique puissant, utilisé contre le psoriasis. Les effets de ce rétinoïde (composé chimique dérivé de la vitamine A) chez la femme enceinte peuvent être désastreux pour le fœtus et amener à des malformations congénitales (microcéphalie, tétralogie de fallot, etc.).
L’acitrétine, vendu sous le nom de Soriatane en France, est un puissant tératogène, une substance pouvant provoquer un développement anormal de l’embryon. L’ANSM avait déjà fait un rappel en juillet 2012 sur ces risques. Elle avait alors fait part de son inquiétude à propos d’un mauvais usage du Soriatane et prescrit des règles sur le bon usage et la sécurité d’emploi thérapeutique de l’acitrétine pour les professionnels de santé.
L'acitrétine, déjà connue de l'ANSM
Une étude menée entre 2007 et 2012 par l’ANSM – associée pour l’occasion à la Caisse nationale d’Assurance-maladie des travailleurs salariés (la CNAMTS) – démontre cependant que les prescriptions initiales ont rarement été suivies. L’enquête a été effectuée auprès de 7663 femmes, âgées de 15 à 49 ans, à qui on a prescrit de l’acitrétine. Près de 357 grossesses ont été enregistrées sur les quatre années qu’a duré l’étude, cependant, près de 40% d’entre elles ont dû être interrompues. Toutes ces interruptions ne peuvent pas être uniquement imputées au Soriatane - notamment parce que les médecins ont enregistré les interruptions volontaires, celles pour des raisons médicales et les fausses couches spontanées - mais elles semblent bien être le reflet d’une mauvaise posologie.
Un premier test de grossesse est demandé avant tout début de traitement afin de s’assurer que la patiente ne prenne aucun risque pour la santé d’un bébé à venir. Malgré cette première consigne, le test de grossesse (à réaliser dans les trois jours avant le début du traitement) n’a été effectué que dans 11% des cas.
Pire, les auteurs de l’étude ont relevé que 53 femmes se sont faites prescrire de l’acitrétine alors même qu’elles étaient déjà enceintes. L’ANSM demande par ailleurs à ce qu’une «contraception efficace pendant toute la durée du traitement» soit mise en place pour réduire le plus possible ces risques. Le contrôle par test de grossesse régulier ne doit cependant pas être abandonné, chose que deux femmes interrogées sur trois ne semblent pas avoir fait.
Enfin, l’Agence a prévu un délai de deux ans après l’arrêt du traitement durant lesquels la femme doit continuer de prendre un contraceptif et veiller à ce qu’elle ne soit pas enceinte. Seule une femme sur cinq semble avoir respecté cette dernière consigne.
L'ANSM renforce ses mesures de sécurité
Ce délai de deux ans est nécessaire pour la bonne et simple raison que les éléments tératogènes mettent beaucoup de temps à être évacués par l’organisme. Le docteur Elisabeth Elefant, qui est en charge du Centre de référence sur les agents tératogènes (le Crat) situé à Paris, explique à ce titre que la consommation d’alcool, même à des doses infinitésimales, semble être un facteur clé dans le stockage de ces éléments. Néanmoins, «les effets tératogènes du médicament disparaissent deux mois après la fin du traitement si la femme n’a pas bu une goutte d’alcool» précise-t-elle.
L’ANSM a annoncé vouloir renforcer les mesures de sécurité entourant la prescription de l'acitrétine. Seuls les dermatologues pourront établir une première prescription. D’autre part, les pharmaciens ne pourront plus délivrer de Soriatane si le résultat négatif du test de grossesse n’est pas mentionné dans le carnet de santé de la patiente. Par ailleurs, l'Agence prévoit, dans le cadre d'un programme de prévention grossesse, de mettre en place un "courier de liaison" entre le dermatologue et le médecin en charge de la contraception ou du renouvellement de la prescription.