Maladies rares : les (nombreux) malades soumis au bon vouloir de l’Etat
Rédigé par La Rédaction , le 22 January 2018 à 00h00
Mucoviscidose, maladie des enfants de la lune, maladie des os de verre, maladie de Crohn, maladie de Huntington, myopathie de Duchenne, maladie de Charcot... Toutes ces maladies sont dites « rares », en ce qu'elles touchent chacune un nombre très restreint de personnes – une sur 2 000, selon le seuil retenu en Europe.
Société civile et assureurs se mobilisent contre les maladies rares
Mais si elles sont rares, ces quelques 8 000 pathologies répertoriées n'en affectent pas moins un grand nombre de personnes. On estime ainsi qu'une personne sur vingt est touchée par ce type de maladie, soit 6% de la population en France. Cela représente 3 millions de personnes dans l'Hexagone, 27 millions de personnes en Europe et 27 également en Amérique du Nord. Autrement dit, si les maladies sont rares, les malades, eux, sont nombreux.
La plupart de ces maladies rares sont également dites « orphelines », c'est-à-dire qu'elles ne bénéficient, en l'état actuel de la recherche médicale, d'aucune réponse thérapeutique. En d'autres termes, les patients victimes de ces pathologies orphelines ne sont pas soignés. C'est pour lutter contre ces maladies rares et orphelines et, notamment, pour convaincre l'industrie pharmaceutique d'entamer des recherches, que des évènements caritatifs comme le Téléthon existent.
Organisée depuis 1987, la célèbre émission de télévision soufflait, en décembre dernier, ses 30 bougies. « En 30 ans de Téléthon, nous avons contribué à mettre un nom sur des milliers de maladies rares, dont 80% sont d'origine génétique, et nous nous sommes battus pour qu'il y ait enfin une recherche », se félicitait à cette occasion Laurence Tiennot-Herment, la présidente de l'association AFM-Téléthon, qui a consacré pas moins de 73,1 millions d'euros à la recherche et au développement de nouvelles thérapies en 2016.
L'association soutient actuellement une trentaine d'essais cliniques, dont les coûts sont particulièrement importants. Et, une fois les traitements découverts, ceux-ci sont souvent très chers. Si certaines des maladies rares font partie de la liste des 30 maladies prises en charge à 100% par l'Assurance Maladie, au titre de l'ALD (affection de longue durée), d'autres ne le sont pas encore. Et font peser une charge financière souvent très forte sur les familles des patients.
Heureusement, les organismes assureurs prennent progressivement conscience de la faiblesse des indemnisations des maladies non reconnues en ALD. Ils contribuent ainsi, de plus en plus souvent, aux dépenses de confort, à l'accompagnement ou encore à l'aménagement du domicile des patients, ce qui n'était pas la règle il y a peu. Des avancées bienvenues, donc, qui restent cependant peu de choses face à la décision de l'Etat de rembourser – ou non – un nouveau traitement.
Le rôle primordial des Etats – le cas Spinraza
En France, la question va bientôt se poser au sujet du premier traitement efficace contre l'amyotrophie spinale (SMA). Il s'agit d'une maladie neuromotrice très grave, qui touche un enfant sur 10 000 et affecte les nourrissons de multiples manières : faiblesse générale, mobilité réduite, incapacité de se tenir assis, etc. Dans sa forme la plus grave, l'amyotrophie spinale est synonyme de mort avant d'avoir atteint l'âge de deux ans.
Le nouveau médicament en question, le Nusinersen, commercialisé par le laboratoire Biogen sous la marque Spinraza, représente le premier traitement capable de prolonger la vie des enfants touchés par la SMA. Mais, comme tout nouveau traitement, il reste cher et doit, en outre, passer les diverses barrières administratives destinées à approuver sa mise sur le marché ainsi que son éventuel remboursement par les autorités sanitaires de chaque pays où il est commercialisé.
Aux Etats-Unis, le Spinraza a été approuvé par la Food and Drug Administration (FDA) en décembre 2016. En Europe, le médicament de Biogen a reçu un avis positif du Comité des médicaments à usage humain (CHMP), un organisme dépendant de l'Agence européenne des médicaments, et a reçu une autorisation de mise sur le marché (AMM). Autant d'avancées positives dans la lutte contre la SMA, qui ne doivent cependant pas faire oublier qu'il appartient désormais à chaque pays membre de l'Union européenne (UE) de décider s'il remboursera ou pas le Spinraza.
Les Etats européens vont-ils s'inspirer des Etats-Unis, où 80% des patients couverts par une assurance privée et 60% de ceux couverts par une assurance publique ont accès au Spinraza ? Ou du Canada, où l'Etat du Québec fait trainer les choses en longueur, au détriment de la vie des petits patients atteints de SMA ? Alors que Santé Canada a approuvé ce traitement, l'Institut national d'excellence en santé et en services sociaux (INESSS) du Québec a estimé que le Spinraza n'était pas efficace contre les types 2, 3 ou 4 de SMA et qu'il n'était pas opportun de le rembourser même pour les patients de type 1.
« Cela veut dire qu'Emile ne pourra peut-être plus jamais parler », se désole ainsi la maman d'un garçonnet québécois de 5 ans, qui perd peu à peu ses capacités motrices et a déjà dû subir une vingtaine d'opérations majeures. Biogen Canada a décidé, en attente d'une décision finale des autorités sanitaires, d'offrir gratuitement le traitement aux personnes touchées par les formes de SMA les plus graves. Qu'en sera-t-il en France ? Verra-t-on la victoire d'une vision humaniste ou d'une approche purement comptable de la maladie ?