Vaccin contre l’hépatite B : l’Etat doit indemniser une victime à hauteur de 2.38 millions
Rédigé par Céline Le Goff , le 18 August 2014 à 16h21
Une infirmière atteinte de sclérose en plaques a obtenu une indemnisation conséquente que devra lui verser l’Etat. Après un échec auprès du tribunal administratif de Besançon en 2006, elle a finalement eu gain de cause. La cour administrative de Nancy a reconnu un lien de causalité entre le vaccin contre l’hépatite B qu’elle a reçu en 1991 et le développement de la maladie.
Manque de certitude scientifique sur le lien de causalité entre le vaccin et la maladie
L’infirmière avait reçu les injections vaccinales contre l’hépatite B au printemps 1991 dans le cadre de son activité professionnelle au centre hospitalier de Saint-Cyr-au-Mont-d’Or (Rhône), un choix qui lui était donc imposé par ses supérieurs. Quelques semaines plus tard, les premiers symptômes de la sclérose en plaque (une affection évolutive et lourdement handicapante qui touche le système nerveux central) s’étaient déclarés. Le diagnostic est alors confirmé en 1994, date à partir de laquelle son état ne cesse de se détériorer jusqu’à ce que son taux d’incapacité permanente atteigne les 60%. Dans l’impossibilité de travailler, elle prend alors sa retraite anticipée en 1997.
Dès 2003, elle veut obtenir réparation du dommage qui lui a été fait et forme un recours gracieux contre le ministre de la Santé. Ce recours se solde par un échec. La décision est confirmée en première instance par le tribunal administratif de Besançon en 2006. L’infirmière a alors formé un appel devant la Cour administrative d’appel de Nancy.
Le problème principal dans cette affaire est le manque de certitude autour du lien de causalité entre le vaccin contre l’hépatite B et la sclérose en plaques. Aucune preuve scientifique n’existe à ce jour. Pourtant en 2004, une étude américaine mettait en évidence « une association entre la vaccination contre l’hépatite B et la survenue d'une sclérose en plaques chez des adultes de 18 ans et plus ». Mais un comité d’experts français, après analyse de l’ensemble de la littérature scientifique, avait estimé qu’il n’était pas possible de conclure à l’existence d’un lien de causalité entre l’administration du vaccin contre l’hépatite B à des adultes et une augmentation du risque de sclérose en plaques. Ainsi les nombreuses études menées dans le monde n’ont jamais réussi à établir ce lien de causalité nécessaire à reconnaître la responsabilité de l’Etat, ni à l’écarter.
Une évolution jurisprudentielle place le doute scientifique à la faveur de la victime
C’est une évolution dans la jurisprudence qui a permis à l’infirmière d’obtenir une indemnisation. A la fin des années 2000, les juridictions administratives et judiciaires reconnaissent petit à petit un lien entre le vaccin et la maladie «compte tenu de l’incertitude scientifique entourant le vaccin contre l’hépatite B, de manière à permettre une indemnisation». Le doute profite donc désormais à la victime.
La Cour administrative d’appel de Nancy en mai 2012 ordonne une expertise des préjudices subis par l’infirmière concernée. Les juges administratifs reconnaissent finalement dans un arrêt de juin dernier que «ses perspectives d’évolution professionnelle ont été réduites en raison de son handicap (et) elle justifie ainsi d’un préjudice certain à caractère professionnel». Pour ce préjudice professionnel, il condamne l’Etat à verser une somme de 350.000 euros à la victime. Les juges reconnaissent également un préjudice global personnel de 178.000 euros. Et enfin, ils ont condamné l’Etat à rembourser l’ensemble des frais de santé et de matériel spécialisé, celles liées à la perte d’autonomie, à l’assistance d’une tierce personne ou d’adaptation du logement. La somme totale équivaut à 2 384 670,50 euros. C’est une indemnisation record pour ce type d’affaire.
Une personne vaccinée individuellement a moins de chance d’obtenir réparation
Cette décision doit toutefois être perçue comme un arrêt inédit. Peu d’arrêts allant dans le sens de la victime ont été rendus par les juridictions administratives lorsqu’il s’agit d’un lien de causalité non prouvé scientifiquement. Qui plus est, si la personne réclamant gain de cause a été vaccinée à titre personnel et non dans le cadre de son activité personnelle, les chances qu’elle obtienne réparation sont minimes.
Certains ont été inquiétés par la décision, craignant que le vaccin contre l’hépatite B soit discrédité. Or, les scientifiques s’accordent majoritairement pour soutenir que les bénéfices de ce vaccin dépassent largement les risques.