Soins funéraires : vers la fin de la discrimination pour les séropositifs ?
Rédigé par Clémentine Billé , le 04 March 2014 à 11h48
Les personnes atteintes du VIH auront-elles le droit d'être présentables pour leur enterrement ?
L’arrêté du 20 juin 1998 ne permet plus à des défunts de certaines maladies, dont le VIH, d’avoir des soins funéraires. Un rapport de l’Igas et l’Iga préconise cet accès aux soins, qui permet au corps d’être présentable avant l’enterrement.
Des années que des militants contre le VIH se battent pour obtenir gain de cause. Ils tapent sans relâche aux portes du Ministère de la Santé, et enfin, ils ont obtenu le soutien d’inspections reconnues. Une première victoire pour les personnes atteintes du SIDA. Soyons plus précis, une première victoire pour les personnes atteintes du SIDA et…défuntes.
Un rapport préconise l’accès aux soins funéraires interdits pour les séropositifs
Depuis 1998, les soins funéraires accordés aux séropositifs et sidéens étaient interdits. Ses soins, appelés la thanatopraxie consiste à retarder la décomposition du corps. Cela permet de faire honneur convenablement à la personne disparue, avant le dernier hommage. Pour le côté technique, il s’agit d’injecter dans le système vasculaire un produit antiseptique et conservateur (formol) à la place du sang. Les inquiétudes portent alors sur le risque de contamination des thanatopracteurs qui sont exposés à «la sève humaine».
Deux inspections préconisent la levée de cette interdiction dans un rapport : l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) et l’Inspection générale de l’administration (Iga). Ce rapport existe depuis le mois de juillet 2013 mais n’a été mis en ligne qu’en février 2014, sans faire de bruit. Ces inspections ont été saisies par le Ministère de la Santé pour faire évoluer la question «de la réglementation des soins de conservations». Comment ? Le rapport émet toutes les recommandations et précautions, afin de procéder aux soins sans risques de contamination.
La principale est que la thanatopraxie soit pratiquée dans les «seuls lieux dédiés que sont les chambres mortuaires et les chambres funéraires». Préconisation logique selon vous ? Pourtant, la pratique des soins funéraires est aujourd’hui autorisée à domicile.
Les personnes atteintes du VIH ne sont pas les seules discriminées
Le Conseil National du Sida (CNS) est tout de suite venu supporter cette initiative. En 2009, il affirmait déjà «qu’aucun argument scientifique ne peut justifier que soient prises des dispositions dérogatoires au droit commun en matière de soins de conservation sur la seule base de l’infection par le VIH avérée ou supposée de la personne défunte, dès lors que les précautions universelles sont pleinement appliquées». Les associations de lutte contre le SIDA, indignées par l’arrêté du 20 juin 1998 jugé discriminatoire, retrouvent tout leur espoir. Elles insistent cependant sur le fait que d’autres maladies sont concernées par cette décision. Toute personne atteinte de la maladie de Creutzfeld-Jakob (dégénérescence du système nerveux pouvant amener à la démence), d’un état septique grave, d'hépatites virales B et C (infection virale du foie) et bien entendu du VIH n’a pas accès à ces soins. Le rapport ne prend en compte que les deux derniers cas.
L’interdiction des soins funéraires de plus en plus contestée
Si les autorités se mobilisent maintenant, c’est aussi parce que cette interdiction est de plus en plus critiquée. De nombreuses pétitions ont circulé, et l’une d’entre elles a mobilisé l’opinion publique en masse, à la surprise de son initiateur Jean-Luc Romero. Président-fondateur d’ELCS (Elus locaux contre le sida), il annonçait alors au Parisien «Je pensais que nous récolterions au mieux 10 000 signatures». Et pourtant, début février, plus de 80 000 personnes avaient apportés leur soutien à ce texte exigeant la levée de l’interdiction des soins funéraires.
Beaucoup découvrent cette interdiction le jour où un proche décède. Ils doivent patienter une journée pour savoir si les soins sont possibles, le temps que les thanatopracteurs reçoivent les résultats des tests pour le VIH. Devant ces témoignages, des célébrités telles qu’Omar Sy, Laetitia Hallyday ou Nikos Aliagas ont également apposé leur signature sur la pétition, lui donnant de plus en plus d’importance.