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Une nouvelle étude révèle l'histoire du Sida

Rédigé par , le 03 October 2014 à 17h35

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Le ruban rouge, symbole international du Sida

Le ruban rouge, symbole international du Sida

Plus de 30 ans après l'identification du VIH (Virus de l'Immunodéficience Humaine), une équipe de chercheurs a réussi à remonter sa trace pour déterminer les origines du Sida. Selon eux, tout s'est joué dans les années 1920 à Kinshasa (République Démocratique du Congo), au croisement de plusieurs facteurs.

Un concours de circonstances

Selon un groupe de chercheurs des université d'Oxford (Grande-Bretagne) et de Louvain (Belgique), dont les travaux ont été publiés le jeudi 2 octobre dans la revue Science, la pandémie aurait débuté il y a presque un siècle. Selon eux, celle-ci trouverait « très probablement » son origine à Kinshasa (ex-Léopoldville du Congo Belge), dans les années 1920, d'où elle se serait propagée dans le monde entier, faisant depuis 36 millions de morts.

Pour arriver à ces résultats, l'équipe de recherche a reconstitué l'histoire génétique du rétrovirus VIH qui est responsable du Sida. Les chercheurs se sont concentrés sur la souche du groupe M, qui est la plus fréquente de ce virus. « Pour la première fois, nous avons analysé toutes les données génétiques disponibles en recourant aux dernières techniques phylogéographiques pour estimer statistiquement l'origine du virus. Nous pouvons ainsi dire avec un degré élevé de certitude d'où et quand la pandémie est partie », déclare le professeur Olivier Pybus du département de zoologie d'Oxford et l'un des principaux auteurs de l'étude.

Le fait que le rétrovirus ait été transmis à l'homme 13 fois par des singes était connu des virologues. Cependant, une seule de ces transmissions est responsable de l'émergence du VIH-1 et de la pandémie à laquelle nous assistons depuis des décennies. Le « patient zéro » était probablement un chasseur mordu par un singe infecté, ou qui s'est coupé pendant le dépeçage. La viande a peut-être été consommé alors qu'elle n'était pas assez cuite (le chimpanzé était alors chassé pour sa chair). Le virus a ensuite pu se répandre le long du fleuve Congo jusqu'à Kinshasa.

Cependant, comment expliquer la propagation du virus dans toute l'Afrique subsaharienne, et a posteriori au monde entier ? Cette pandémie est en fait le résultat de l'addition de nombreux facteurs qui ont permis son explosion. Entre les années 1920 et 1950, un certain nombre de circonstances se sont complétées, telles les pièces d'un puzzle, pour donner naissance à la situation que nous connaissons aujourd'hui.

                                                         Le Congo, Kinshasa et les principales villes du pays       Le Congo en Afrique

Un monde qui se modernise

Au cours des années 1920, Kinshasa était une véritable plaque tournante de l'Afrique Centrale. À la fin des années 1940, « plus d'un million de personnes transitaient par Kinshasa par le train chaque année [selon] les informations des archives coloniales », explique Nuno Faria de l'Université D'Oxford, également l'un des principaux auteurs de l'étude. Nos données génétiques nous disent aussi que le virus VIH s'est propagé très rapidement à travers le Congo, sur une superficie équivalente à l'Europe de l'Ouest, se déplaçant avec des personnes par les chemins de fer et les voies d'eau », finit-il.

À cette époque, le train est en plein développement dans la région, et connectent des zones qui étaient jusque là totalement indépendantes. Entre la fin des années 1930 et le début des années 1950, le virus se répand dans tous le pays grâce aux migrations permises par le train. Celles-ci ont permis l'établissement des premiers foyers secondaires d'infection dans des régions qui disposaient de bons réseaux de communication avec des pays de l'Est et du Sud de l'Afrique. L'urbanisation rapide et le développement des voies de communications internes ont donc eu l'effet pervers de faciliter la diffusion du virus en Afrique. Les migrations internationales qui se sont développées par la suite n'ont fait qu'aggraver le problème. The Independent note que de nombreux travailleurs haïtiens étaient présents au Congo Belge, qui ont par la suite ramené le virus outre-Atlantique. Celui-ci s'est ensuite diffusé aux États-Unis, où il a été observé cliniquement pour la première fois en 1981.

Des comportements qui évoluent

Dans les années 1960, le système ferroviaire avait joué son rôle en répandant le virus sur de larges distances. « Les graines de la pandémie étaient déjà semées partout en Afrique et au-delà », explique le professeur Pybus. Cette dissémination s'est accompagnée d'un bouleversement des attitudes et des comportements sociétaux. Les changements dans les habitudes sexuelles ont favorisé la propagation de manière dramatique. « Un grand nombre de travailleurs mâles arrivaient en ville, déséquilibrant le rapport entre les sexes dans une proportion de deux hommes pour une femme et conduisant à une explosion du sexe tarifié », explique la BBC. À cela s'ajoute les seringues échangées entre les toxicomanes, et celles qui servaient à injecter les traitements contre les MST dans les hôpitaux qui n'étaient pas stérilisées. L'épidémie flambe dès lors. Les chercheurs pensent que « les changements dans la société qui se sont produits au moment de l'indépendance du Congo en 1960 ont aussi probablement fait que le virus a pu s'échapper de petits groupes de personnes séropositives pour infecter des populations plus étendues, avant de se propager dans le monde » à la fin des années 70.

Ainsi, comme le formule le Pacific Standard, la dissémation du VIH résulte d'un « alignement des planètes » économique et social, qui a abouti à l'un des plus grands désastres sanitaires du XXe siècle, 75 millions de personnes ayant été contaminées jusqu'à aujourd'hui. 

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L'auteur
Laure Hanggi

Laure Hanggi

Rédactrice

Bio

Etudiante en histoire passionnée d'actualité en général et notamment des questions de santé moderne, en tant qu'enjeux de société. Voir plus

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