Sida : les femmes, victimes invisibles de l'épidémie
Rédigé par Laure Hanggi , le 01 December 2014 à 15h28
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La prévention et la sensibilisation sont des axes de lutte importants contre le Sida et le VIH.
La Journée mondiale de la lutte contre le Sida, qui se tient ce lundi 1er décembre 2014, est l'occasion de rappeler à chacun que l'épidémie continue de progresser partout dans le monde. Loin de concerner uniquement les mêmes groupes qu'à ses débuts, la maladie touche désormais d'autres populations, telles que les femmes.
« L'épidémie invisible » du Sida chez les femmes
Quand on évoque les malades du Sida, on pense généralement aux hommes (et plus particulièrement à ceux ayant des relations homosexuelles), qui sont toujours les plus touchés par la maladie. Cet état de fait cache cependant la situation des femmes atteintes du VIH (virus d’immunodéficience humaine, qui déclenche la maladie du Sida). En effet, même si les femmes représentaient près du tiers des nouvelles contaminations en France en 2012, leur situation demeure méconnue et la prévention à leur égard insuffisante.
« La visibilité de l'épidémie de VIH chez les femmes est infime comparée à celle des hommes », déclare le Pr Jean-Louis Touraine, dans la préface du livre 10 femmes contre le Sida, qui vient de paraître juste avant la Journée mondiale de la lutte contre le Sida, qui se tient ce lundi 1er décembre.
En 2012, sur les 6 372 cas répertoriés en France, 1 980 étaient des femmes. La grande majorité d'entre elles étaient nées à l'étranger, particulièrement en Afrique subsaharienne.
En plus du sentiment de honte, les femmes se sentent plus coupables que les hommes suite à leur contamination, et ont, tout comme eux, peur d'être rejetées ou discriminées. Les idées reçues ayant la vie dure en ce qui concerne le Sida, les images y étant associées renvoient une image négative du malade. Catherine Kapusta-Palmer, coordinatrice du collectif inter-associatif « Femmes et VIH » témoigne de ces réactions difficiles, qu'elle a dû elle-même affronter (« je ne te crois pas, ce n'est pas possible, tu ne ressembles pas à ces gens-là »).
Les deux sexes ne sont pas non plus à égalité face à la contamination, les femmes ayant deux fois plus de risques d'être contaminées par un homme que l'inverse, selon Onusida (programme de l'ONU luttant contre la pandémie du Sida). Les jeunes femmes (15-24 ans) ont ainsi 3 à 4 fois plus de risques d'être contaminées que les jeunes hommes de la même tranche d'âge.
Si ce manque de visibilité chez les femmes peut s'expliquer par le visage masculin de la maladie en France, la situation est sans appel en Afrique, notamment subsaharienne, où 58 % des personnes vivant avec le VIH sont des femmes.
Des difficultés dans la prévention et le traitement
Contaminées dans la plupart des cas lors de rapports hétérosexuels non protégés, les femmes doivent affronter certaines difficultés lors de leur prise en charge. En effet, les traitements antirétroviraux, qui sont testés dans la majorité des cas sur des hommes, ne sont pas adaptés à la morphologie des femmes, qui les tolèrent donc moins bien. Elles souffrent également plus des effets secondaires, tels que la masculinisation et le vieillissement accéléré de leur organisme.
Bien que la prise en charge des femmes enceintes séropositives soit très efficace en France, annulant quasiment la transmission mère-enfant, la vie de ces femmes qui « ne sont pas que des mères » s'avère compliquée au jour le jour, comme le souligne Catherine Kapusta-Palmer.
De plus, le suivi gynécologique est bien souvent un parcours du combattant pour les quelques 50 000 femmes séropositives en France, pour qui il est difficile d'avoir accès à un suivi adapté. Ce dernier est pourtant vital, pour ces femmes plus susceptibles d'être contaminées par les papillomavirus, à l'origine des cancers du col de l'utérus.
Un nouveau défi réside dans l'accompagnement de ces femmes dans leur vieillesse, d'autant plus que les seniors sont de plus en plus touchées par la maladie. Une nouvelle catégorie de femmes à risques est en effet apparue chez les seniors, qui n'ont pas le réflexe de se protéger, notamment après avoir refait leur vie. Seulement 12 % des 50-70 ans déclarent se sentir concernés par une infection, alors qu'ils sont 90 % à s'estimer bien informés sur les risques de contamination. Les seniors, hommes et femmes, sont donc de plus en plus touchés par le VIH selon l'Institut de veille sanitaire (InVS).
Accroître la prévention chez les jeunes femmes
Bien que la situation des femmes soit préoccupante en France, celle des femmes africaine est beaucoup plus catastrophique. C'est pourquoi de plus en plus de spécialistes insistent sur le fait que les femmes doivent être placées au centre de l'effort de lutte contre la maladie.
L'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a elle-même appelé, lors de la conférence sur le sida de Melbourne (juillet 2014), à la mobilisation et au renforcement des actions envers les femmes. Le VIH est en effet la principale cause de décès dans les pays en développement des femmes en âge de procréer. De plus, 63 % des 15-24 ans vivant avec le VIH dans le monde sont des filles. Les femmes demeurent cependant négligées par la recherche, au vu de l'absence de données fiables sur l'impact de certains moyens de contraception sur la transmission du VIH (tels que le préservatif féminin, plébiscité par nombre d'associations).
En France, un nouvel élan doit également être donné à la prévention, alors que presque un tiers des personnes sont diagnostiquées de manière tardive et qu'une nouvelle étude révèle qu'un étudiant sur trois n'utilise pas systématiquement le préservatif. Or, plus de 12 % des nouvelles découvertes de séropositivité concernent des jeunes de moins de 25 ans.