Naissance d’un bébé à trois ADN au Mexique
Rédigé par La Rédaction , le 29 September 2016 à 11h55
Un bébé à trois ADN, c’est-à-dire né de trois parents différents, est venu au monde le 26 avril dernier au Mexique. Aujourd’hui âgé de 5 mois, l’enfant serait en bonne santé selon l’équipe médicale dirigée par le Dr John Zhang, du New Hope Fertility Center à New York.
Transfert mitochondrial, une méthode controversée
La méthode mise en œuvre par le Dr John Zhang et son équipe pour concevoir cet enfant est le transfert mitochondrial. Ils ont eu recours à cette technique pour que la mère ne transmette pas à sa descendance les gènes responsables du syndrome de Leigh. Cette maladie génétique grave, liée à l’ADN des mitochondries, affecte le système nerveux central.
Le transfert mitochondrial consiste concrètement à transférer dans un ovocyte sain, vidé de ses matériaux génétiques, ceux contenant les chromosomes de la mère. La technique permet de réduire significativement le risque de transmission des gènes maternels défectueux. Chez l’enfant, le taux de mitochondries porteuses de la mutation est inférieur à 1%.
En réalité, il ne s’agit pas du premier bébé à trois ADN. Cette technique a déjà été utilisée dans les années 1990. Cependant, elle a été abandonnée. Les enfants nés de cette méthode ont été atteints d’autres maladies génétiques. Ce problème d’un dysfonctionnement à un autre a été soulevé par le Pr Dominique Royère, Directeur de la Procréation, Embryologie et Génétique humaine à l'Agence de la biomédecine.
Transfert mitochondrial, des questions d’éthiques
Encore loin d’être parfaitement maîtrisé, le transfert mitochondrial fait l’objet de nombreuses controverses. D’ailleurs, le choix du Mexique n’est pas anodin d’après le Dr John Zhang. La technique n’est autorisée que depuis 2015 et seulement en Grande Bretagne. En plus du risque médical pour l’enfant à naître, les scientifiques s’interrogent sur le flou éthique autour de cette technique.
Pionnier de la fécondation in vitro, René Frydman s’inquiète notamment des dérives avec ces types de méthodes de procréation artificielle. Le transfert mitochondrial pourrait favoriser les grossesses tardives. L’addition de mitochondries issues de donneuses plus jeunes permettrait le rajeunissement d’ovocytes, un marché à fort potentiel. Professeure de génétique à l’hôpital Necker à Paris, Julie Steffann éprouve les mêmes craintes.
Les inquiétudes dépassent le monde scientifique. Marie-Jo Thiel, Théologienne à Strasbourg, et Pierre Le Coz, Philosophe à l’Université d’Aix-Marseille, parlent d’une rupture symbolique avec cette intrusion dans le patrimoine génétique. Ils redoutent les effets en cascade de cette technique une fois légalisée. Ils se posent aussi des questions concernant ses conséquences sur les descendances de ces enfants.