Les produits chimiques ont-ils un impact sur le cerveau des fœtus ?
Rédigé par Laure Hanggi , le 12 December 2014 à 15h16

L'exposition aux phtalates auraient des conséquences sur le développement cognitif des foetus.
Une étude américaine, parue dans la revue scientifique Plos One, affirme que les fœtus, fortement exposés aux phtalates, produits chimiques présents dans des produits de consommation, auraient un QI moyen plus faible. Des résultats qui s'inscrivent dans une lignée d'études révélant la dangerosité de ces produits sur l'organisme.
Une baisse de Q.I. chez les enfants les plus exposés
Une étude américaine, parue dans la revue scientifique Plos One le 10 décembre 2014, tire des conclusions inquiétantes quant aux conséquences de l'exposition prénatale des foetus à certains composés chimiques. Menée par des chercheurs de la Faculté de santé publique de l'Université Columbia (New-York, États-Unis), cette étude s'est intéressée à l'impact des phtalates sur les fœtus.
Ces composés chimiques, utilisés massivement dans des produits de consommation, sont présents dans des objets tels que certains rouges à lèvres, des vernis à ongles, du savon, mais aussi dans des cadres pour fenêtres, des ballons, des nappes, des rideaux de douches, des fils, etc. Ces produits sont notamment utilisés pour assouplir les matières plastiques. On les retrouve même jusque dans la nourriture (lait, fromages, céréales, viandes, poissons, etc.), celle-ci étant contaminée par les emballages en plastique.
L'étude s'est déroulée en deux étapes. Les chercheurs ont d'abord mesuré la concentration de 4 types de phtalates dans l'urine de 328 femmes enceintes de 3 mois. Puis, une fois que les enfants avaient atteint l'âge de 7 ans, les chercheurs les ont soumis à différents exercices : tests de « mémoire de travail », de « raisonnement perceptif (résolution de problèmes) et de quotient intellectuel (Q.I.). Il en est ressorti que les enfants qui avaient été les plus exposés à deux des phtalates mesurés chez leur mère (DnBP et DiBP) avaient un Q.I. inférieur de 6,6 à 7,6 points par rapport aux enfants les moins exposés.
« Une réduction de six ou sept points du QI peut avoir des conséquences notables pour le succès scolaire et le potentiel professionnel », déclare Robin Whyatt, professeur de médecine environnementale à l'Université Columbia, qui a dirigé ces travaux.
Cette étude est la première à établir un lien entre une exposition in utero des bébés aux phtalates et le Q.I. de ces derniers.
Ces substances sont-elles réglementées ?
Depuis 2009 aux États-Unis et 2011 en France, les phtalates sont interdits dans les jouets (et les objets en général) destinés aux enfants. Cependant, aucune recommandation ou mesure n'a été prise en direction des femmes enceintes, qui ignorent donc ce risque. De plus, les phtalates ne sont que rarement indiqués sur la liste de composants des produits. Bien qu'il soit conseillé pour les femmes enceintes d'éviter l'exposition à ces substances, leur omniprésence et la multiplicité des sources potentielles rend cela très difficile. Selon l'Institut national de recherche et de sécurité (INRS), l'ingestion de phtalates par contamination alimentaire serait de 0,25 mg/jour.
Ce qui est surprenant, c'est l'analyse faite des concentrations de phtalates dans l'urine des femmes enceintes. En effet, les résultats ne présentaient pas de concentration inhabituelle et se situaient dans les normes émises par les Centres de contrôle et de prévention des maladies (CDC) américains. « Partout aux Etats-Unis, les femmes enceintes sont exposées aux phtalates de manière quasi quotidienne, dont un grand nombre à des niveaux similaires à ceux mesurés chez les sujets de l'étude », affirme Pam Factor-Litvak, professeure adjointe d'épidémiologie à Columbia. Elle explique également que tous les facteurs pouvant influencer les résultats ont été mis hors de cause, tels que « l'éducation maternelle, le QI de la mère, le sexe de l'enfant, l'exposition à la fumée de cigarette à la maison, le tabagisme prénatal... ».
Des substances de plus en plus remises en cause
Si ces phtalates inquiètent autant, c'est parce qu'ils appartiendraient à la famille des perturbateurs endocriniens, dont les effets négatifs ont déjà été démontrés. Or, comme l'explique Pam Factor-Litvak, le développement du cerveau dépend des hormones.
Cette étude s'inscrit dans un vaste corpus de recherches qui suggère que l'exposition aux phtalates aurait des conséquences sur le développement moteur, mental et comportemental de l'enfant.
Cependant, comme l'indique les chercheurs, ces recherches doivent être approfondies pour affirmer, sans doute possible, le lien de causalité entre l'exposition prénatale aux phtalates et la baisse de Q.I. : « Étant donné la nature observationnelle de cette étude, nous ne pouvons conclure à une relation de causalité entre l'exposition prénatale à certains phtalates et la diminution du QI. Néanmoins, nous avons observé des associations systématiques entre exposition et résultats [aux tests] », poursuivent-ils. Des tests, ayant été effectués sur les enfants lorsque ceux-ci étaient âgés de 3 ans, corroborent également ces données et semblent marquer l'existence d'une corrélation.
La nécessité d'approfondissement de ces résultats découle de ses conditions mêmes : un nombre restreint de participants et la mesure du Q.I. qui est souvent remise en cause.
Pour les chercheurs, il n'en reste pas moins que ces résultats ne doivent pas rester sans conséquences : « La cohérence des ces associations, au fil du temps, a des implications en termes de politiques de santé publique et de réglementation ».
D'autant plus que des rapprochements sont de plus en plus souvent effectués entre ces expositions massives et la montée exponentielle de l'incidence de l'autisme dans la population mondiale.