Prématurés : les mères-kangourous, un phénomène qui conquiert le monde
Rédigé par Clémentine Billé , le 10 April 2014 à 17h30
En Colombie, les mères-kangourous remplacent les couveuses
Que d’inquiétudes quand votre enfant naît prématuré. Vous ne pouvez pas le cajoler comme vous le voudriez. La méthode kangourou, en explosion en Colombie, permet de prendre dans vos bras votre enfant et de créer un lien fort avec lui.
C’est devenu un véritable phénomène en Colombie : les « mères-kangourous » qui faisaient des sceptiques il y a trente ans, ont investi les maternités d'aujourd’hui. Face au manque de couveuses, les mères blottissent leur nouveau-né prématuré contre elles. Cette méthode est inspirée des marsupiaux qui gardent dans leur poche leur nourrisson afin qu’il achève tranquillement son développement.
Créer un lien fort avec son bébé
Dans un hôpital de Bogota, Cesar Algericas, un jeune papa passe cinq heures avec son nouveau-né blotti contre son torse nu, peau contre peau au sein de l’unité de néonatalogie. Cet informaticien de 36 ans confie à l’AFP « C'est délicieux de sentir les battements du cœur. Je n'ai parfois même pas besoin de vérifier le moniteur pour savoir s'il est bien ».
Quand son enfant n’est ni contre lui, ni contre sa mère, il est dans un incubateur. En effet, les poumons d'un bébé né prématuré - c'est-à-dire venu au monde avant la 37ème semaine de grossesse qui en compte à terme 41 - ne sont pas totalement formés et restent très fragiles.
« Un enfant en soins intensifs ne dort pas plus de 19 minutes consécutives. C'est quelque chose de traumatisant, pour être franc, c'est une torture » explique à l'AFP le Dr Nathalie Charpak, qui a systématisé la « méthode Kangourou » en Colombie à partir de l'année 1978. Toutes les précautions sont prises pour se rapprocher des conditions intra-utérines. Le bébé doit tout le temps être au calme. Dans la salle, la lumière est douce et les infirmières reçoivent une alerte si le volume sonore dépasse les 60 décibels.
Etre un parent kangourou est difficile et épuisant. Cette méthode n’est efficace que si le parent est tout le temps en contact avec le nourrisson en position verticale. Il ne doit pas bouger, sauf pour le changer et l’alimenter. Même la nuit, le parent reste à moitié assis. Cependant, en 2011 la revue américaine PubMed révélait une étude réalisée auprès de mères en Suède, qui trouvaient la méthode épuisante également mais que par ailleurs, aucune n'avait voulu abandonner.
Une méthode reconnue par l’OMS
Cette pratique est désormais reconnue comme étant aussi efficace qu’une couveuse. En 2004, l’organisation mondiale de la santé (OMS) a admise que la pratique favorisait l’allaitement et stimulait l’enfant tandis qu’avant elle était considérée comme « une alternative pour les pauvres ». Grâce à cette reconnaissance, elle s'est étendue à l’ensemble du globe.
« Nous avons formé plus de 30 pays », se félicite le Dr Charpak. Alors que selon l’OMS un bébé prématuré sur cinquante décède durant le premier mois d’existence, cette pratique a fait reculer la mortalité infantile. Cette dernière a été réduite de deux tiers au Brésil en vingt ans grâce à un programme combinant mère-kangourou et un nouveau système de banques de vaccins et de lait.
L’OMS reconnaît par ailleurs que dans les pays développés où les couveuses ne manquent pas, cette méthode mérite d’être développée. En effet, cela favoriserait la création d’un lien entre la mère et le père avec leur enfant. Cependant cette méthode perce difficilement dans ces régions. Le Dr Charpak reconnait que les médecins y sont réticents car ils ont du mal à accepter une pratique qui « vient d’un pays du Sud ».