L'enfance humaine : un début de réponse à sa durée
Rédigé par Laure Hanggi , le 04 September 2014 à 12h00
Les primates sont les mammifères qui grandissent le moins rapidement, mais l'homme à une croissance particulièrement lente. Une étude parue le 25 août dans les Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS) apporte un début de réponse à cette interrogation ancienne.
Un compromis énergétique en faveur du cerveau
De nombreuses théories et hypothèses ont été formulées sur ce sujet dans le monde scientifique, mais l'une d'entre elles rencontre l'adhésion d'une majorité de biologistes. Contrairement aux autres organes, le cerveau n'a pas atteint sa maturité lorsque nous naissons, et doit encore apprendre à faire des choses nouvelles. Les chercheurs du PNAS ont donc cherché à faire la corrélation entre la période de l'enfance où la croissance est ralentie au maximum et les pics de demande énergétique du cerveau.
Pour cela, des techniques très pointues d'imagerie médicale ont été utilisé, permettant aux chercheurs de suivre le parcours de molécules de glucose grâce à des marqueurs qui y ont été insérés, et mesurer l'activité métabolique du cerveau. Grâce à cela, ils se sont rendus compte que l'organisme mettait en place un compromis énergétique au profit de la matière grise, mais au détriment de la croissance corporelle.
« Notre corps ne peut pas se permettre de grandir trop vite, car une grande quantité d'énergie est requise pour alimenter le développement du cerveau humain. Or, en tant qu'humains, nous avons tant à apprendre, et cet apprentissage demande un cerveau complexe et affamé d'énergie », explique Christopher Kuzawa, anthropologue à la Northwestern University (Etats-Unis), premier auteur de l'étude publiée.
De l'énergie à revendre
Les chiffres de ce processus sont impressionnants. A l'âge adulte, le cerveau représente 2 % du poids du corps et consomme 20 % de l'énergie globale. Mais durant la petite enfance, le cerveau peut détourner de 50 à 60 % de l'énergie à disposition de l'organisme. A 5 ans, le cerveau a atteint sa taille adulte, et consomme alors 167 grammes de glucose par jour, pour les garçons, et 146 pour les filles. Cela représente les deux-tiers de la consommation moyenne d'un métabolisme de base, et près de deux fois plus de ce que le cerveau consommera à l'âge adulte.
Une étape vers l'intelligence
Pour Jean-Jacques Hublin, professeur de paléoanthropologie à l'Institut Max-Planck d'anthropologie évolutionnaire de Leipzig (Allemagne), « le fait que notre cerveau se développe en grande partie après la naissance et sur une si longue durée est un mécanisme qui explique notre haut niveau d'intelligence ». En effet, jusqu'à l'âge adulte, le cerveau humain ne cesse d'être remodelé par les stimuli reçus. Il se construit donc en même temps que l'on apprend.
Autour de la puberté, les chercheurs américains ont noté que la part du « budget glucose » allouée au cerveau diminue à mesure que la croissance corporelle accélère . La soudaine poussée à un âge où le cerveau est quasi terminé serait propre à l'homme. « Ce changement du mode de croissance des enfants a permis l'émergence de l'humanité », affirme Jean-Jacques Hublin.
Un mystère pas entièrement résolu
Cependant, si cette étude correspond au scénario du cerveau coûteux, la manière dont s'est instauré ce mécanisme reste encore un mystère. L'enfance au ralenti est une caractéristique propre à l'Homo Sapiens, qui a lui même hérité à travers ses ancêtres de plusieurs révolutions énergétiques, comme la bipédie, la consommation de viande, la chasse en groupe et armé.
Les facteurs qui ont influencé le développement de notre cerveau sont nombreux, mais sans qu'il ne soit réellement possible de déterminer le rôle exact que chacun a pu y jouer.