Un bouton "pause" dans le cerveau des ados
Rédigé par Laure Hanggi , le 02 December 2014 à 15h09
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Entre les parents et les adolescents, la communication ne passe pas toujours.
Une étude américaine s'est intéressée à la réaction des adolescents lorsqu'ils étaient placés en situation de conflit avec leur mère. Ils se sont aperçus que des zones du cerveau en lien avec l'empathie et la compréhension réduisaient considérablement leur activité lors de ces moments conflictuels.
Une étude centrée sur le cerveau
Une étude, menée par des chercheurs en neurosciences des universités de Pittsburgh, Berkeley et Harvard (États-Unis), s'est intéressée aux cerveaux des adolescents, pour essayer de comprendre ce qu'il s'y passait lors des conflits avec leurs parents.
Publiée dans le Oxford Journals le 22 octobre dernier, cette étude a consisté en l'examen de 32 adolescents et pré-adolescents (22 filles et 10 garçons), dont la moyenne d'âge tournait autour de 14 ans. Les chercheurs ont demandé à ces derniers d'écouter plusieurs enregistrements audio de leurs mères respectives, où celles-ci parlaient de choses banales, ou bien les critiquaient. Parmi ces critiques, des reproches assez communs portant sur le comportement de l'adolescent, le rangement de sa chambre, etc.
Pendant que les adolescents écoutaient leur mère les gronder, les scientifiques observaient via un scanner leur cerveau, afin d'en étudier les réactions dans différentes zones. Si les zones cérébrales associées aux émotions négatives marquaient, sans surprise, une hausse d'activité (par rapport à l'écoute des autres enregistrements), d'autres zones ont largement diminué leur action. Ainsi, les zones du cerveau régissant la régulation des émotions, l'empathie et la compréhension du point de vue des autres fonctionnaient à très bas régime.
Comme l'expliquent les chercheurs, les jeunes ne sont plus en mesure de construire un dialogue constructif face aux critiques maternelles, car ils « arrêtent de faire fonctionner leur processus de sociabilité et de compréhension de l'état d'esprit de leurs parents ». Le processus de prise de recul étant lui aussi "bloqué", ce phénomène pourrait être une piste dans l'explication de la fréquence des conflits non résolus entre les parents et les adolescents, ajoute l'étude.
Des limites aux conclusions tirées
Des limites à cette étude ont été identifiées, suite à sa parution, notamment par Wired (magazine américain), le premier à l'avoir relayée. Ce dernier relève le manque d'instructions claires à destination des participants, ce qui ne permet pas de connaître leur véritable degré d'attention aux enregistrements. De plus, les résultats pourraient être interprétés de différentes manières. Comme il est avancé dans Wired, cette baisse de régime de certaines zones cérébrales pourrait être comprise comme un moyen de mettre fin au conflit par l'adolescent. Celui-ci créerait ainsi une échappatoire afin de résoudre le problème.
De plus, l'attention était uniquement portée sur l'impact des critiques maternelles. On ne sait donc pas quels effets des reproches venant du père pourraient avoir, ou le rôle joué par l'âge des participants.
Magali Chétrit, Docteur en psychologie et neurosciences, affirme, elle, qu'il ne faut pas penser l'adolescent comme un robot « qui se bloque quand on lui crie dessus » ou « une machine indépendante de l'affect ».
Cependant, le fait que ces adolescents aient réagi à des enregistrements (et non à une situation réelle) témoigne d'une certaine crédibilité des résultats, selon elle. Le caractère « insupportable » des reproches des parents est également à lier « à la nature du lien entre parents et enfants ».
Une piste dans la compréhension des adolescents
Pour les chercheurs, cette étude peut être une première étape dans l'amélioration de la compréhension des adolescents par leurs parents. « Lorsqu'ils critiquent les adolescents, ces derniers peuvent éprouver une forte réaction émotionnelle négative, peuvent avoir des difficultés cognitives à contrôler cette émotion et peuvent aussi trouver difficile de comprendre le point de vue de leurs parents ».
L'équipe scientifique insiste enfin sur le fait que ces conflits générationnels sont tout à fait normaux. Selon eux, « une meilleure compréhension de la réaction des adolescents à la critique parentale pourrait fournir des indications aux parents sur la manière de gérer le comportement de leur jeune », limitant ainsi les conflits.
Comme le rappelle le Dr Magali Chétrit, l'adolescence est une période de la vie, qui bien que difficile, ne dure pas éternellement. Les mécanismes que peuvent mettre en place les adolescents pour les aider à traverser cette phase sont donc tout à fait normaux. Du côté des parents, patience et calme devraient faire le reste.