Cancer : médias et centres de recherche entretiennent-ils la psychose ?
Rédigé par La Rédaction , le 20 September 2016 à 16h30
Les alertes concernant les produits potentiellement cancérigènes sont-elles fondées ?
« Il ne faut pas céder à la psychose ! », conseillait récemment le Dr Béatrice Fervers, oncologue coordinatrice de l’Unité Cancer Environnement du Centre Léon Bérard de Lyon. Interrogée sur une étude de chercheurs américains établissant une liste de 17 substances chimiques favorisant des tumeurs mammaires chez les animaux, le Dr Fervers avait en effet critiqué les « interprétations excessives » des médias. Un sensationnalisme parfois alimenté par de prestigieuses agences elles-mêmes, à l’instar du Centre international de Recherche sur le Cancer (CIRC), dépendant de l’OMS et qui s’est établi au fil des ans une solide réputation de lanceur d’alertes douteuses.
Afin de limiter les risques de développer un cancer, l’étude américaine recommandait aux femmes de réduire leur exposition à des substances quotidiennes telles que textiles anti-tâches, dissolvants, décapants, ignifuges ou encore gasoil. Mais si les études pratiquées sur des rongeurs montrent que ces substances sont associées à l’apparition de cancers du sein chez l’animal, « il n’existe pas de données épidémiologiques [concernant l’homme] pour le moment », expliquait le Dr Fervers. Elle attirait l’attention sur le caractère « saugrenu » de certaines recommandations de l’étude, alors que la pratique régulière d’une activité physique et une alimentation équilibrée restent les meilleures attitudes à adopter en matière de prévention du cancer.
Loin d’être anecdotiques, les déclarations de Béatrice Fervers s’avèrent extrêmement pertinentes alors que les informations sur les produits potentiellement cancérigènes se multiplient, au point de créer une certaine paranoïa chez le consommateur. Plusieurs études réalisées ces dernières années révèlent par exemple un risque potentiel pour la santé des utilisateurs de téléphones portables. Pourtant, comme le dit formellement l’Organisation mondiale de la santé (OMS), « à ce jour, la recherche n’a apporté aucun élément de preuve significatif […] étayant une relation de cause à effet entre l’exposition aux champs électromagnétiques et des symptômes rapportés par l’utilisateur ».
Les sels d’aluminium sont pour leur part soupçonnés de favoriser l’apparition de cancers, notamment du sein, chez les personnes utilisant des déodorants qui en contiennent. Or, en novembre 2011, une étude réalisée par l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) a conclu à l’impossibilité de mettre en évidence un lien quelconque entre cancer et exposition à l’aluminium par voie cutanée. Ce qui n’empêche pas de nombreux consommateurs d'affirmer que certains déodorants sont effectivement cancérogènes. S’ils ont raison de se méfier au nom du principe de précaution, il apparaît en revanche hâtif d’affirmer que les sels d’aluminium sont dangereux tant qu’aucune étude sérieux ne l’a démontré.
Charcuterie, viande rouge, shampoings, vaccins…
Le nombre de produits concernés est grandissant. Et l’alarmisme de certaines associations de consommateurs est souvent conforté par l’attitude des médias, voire des agences internationales. Ainsi, le rôle du Centre international de Recherche sur le Cancer (CIRC) dans la diffusion d’une certaine paranoïa, a été plusieurs fois souligné. Cette agence de l’OMS basée à Lyon est désormais célèbre pour avoir révélé en 1991 que la consommation de café pouvait favoriser l’apparition du cancer. Deux décennies plus tard, elle a non seulement renoncé à sa théorie, mais l’agence estime désormais que le café peut prévenir l’apparition de la maladie !
Confronté à des informations angoissantes et souvent contradictoires, le consommateur a le choix entre la paranoïa et le refoulement, alors qu’une information responsable pourrait l’aider à faire la part des choses. Le CIRC annonce par exemple que le nombre de décès dus au cancer ne cesse d’augmenter à travers le monde. En 2014, 14,1 millions de nouveaux cas ont été diagnostiqués dans le monde, tandis qu’en France métropolitaine 385 000 nouveaux cas ont été diagnostiqués en 2015.
Des informations aussi sensibles devraient systématiquement être replacées dans leur contexte. Le nombre de cas de cancer dans le monde progresse à mesure que la population augmente et vieillit. Au lieu de voir un risque potentiel dans chaque nouvel objet faisant son apparition dans la vie quotidienne, il vaudrait mieux comprendre qu’il existe un lien logique entre l’incidence des cancers et l’évolution démographique, et qu’à mesure que d’autres causes de mortalité reculent dans le monde, le cancer prend mécaniquement de l’importance !
C’est d’ailleurs la raison pour laquelle les taux d’incidence restent plus élevés dans les pays développés, bien que la mortalité soit beaucoup plus forte relativement dans les pays pauvres. Une question politique et économique que l’on contourne également lorsqu’on privilégie les effets d’annonce.
Or, la paranoïa généralisée peut avoir des conséquences néfastes sur la santé publique, le citoyen pouvant choisir de se désintéresser face au flux d’informations qu’il identifie comme incomplètes, fausses ou malhonnêtes. Sans parler des effets désastreux sur l’économie, car il ne faut pas oublier que les industries et les entreprises dont les produits sont pointés du doigt, même à tort, payent au prix fort les conséquences de ces « révélations » téméraires et irresponsables.