Cancer de l’enfant : fermeture d’un des plus grands services de cancérologie à Garches
Rédigé par Clémentine Billé , le 13 May 2014 à 09h00
Les cancers pédiatriques touchent un enfant sur 500
Le Docteur Delépine soigne ses patients avec ses propres méthodes depuis 30 ans. Mais aujourd’hui, ces pratiques sont jugées douteuses, et son service de cancérologie va fermer d’ici deux mois. De l’incompréhension à la colère, que lui est-il reproché ?
Grand débat après la fermeture du service pédiatrique cancérologique de l’hôpital de Garches. Les méthodes du Docteur Nicole Delépine sont-elles « opaques et risquées » ou « efficaces et humanistes » ?
L’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) a décidé de la fermeture de l’unité, spécialisée dans le cancer des os, de la pédiatre et cancérologue de 67 ans, juste après son départ à la retraite prévu en juillet 2014. Selon l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), les malades seront transférés dans un établissement de Boulogne-Billancourt.
Une méthode utilisée depuis les années 1980
Les parents montrent leur colère suite à cette décision. Regroupés au sein de l’association Ametist, il la juge intolérable et ont déposé plainte dès fin avril pour « délaissement » devant le tribunal de grande instance de Nanterre. Dans un communiqué, l’AP-HP a rétorqué que la fermeture était motivée par des pratiques douteuses qui faisaient « l’objet de controverses ».
« La plupart des praticiens n’ont jamais voulu reconnaître les méthodes du docteur Delépine jugées dérangeantes. Pourtant, les traitements qu’elle dispense sont efficaces et n’ont rien de révolutionnaire: ils existent depuis 30 ans », raconte à l’AFP (Agence France Presse) Dominique Hauteville, cancérologue à l’hôpital Paul Brousse de Villejuif.
Nicole Delépine utilise cette méthode depuis les années 1980. C’est à ce moment qu’elle découvre avec son mari les résultats d’un cancérologue américain Gerald Rosen. Elle explique aujourd’hui que « son taux de guérison était meilleur qu’ailleurs et sa méthode permettait souvent d’éviter l’amputation du membre affecté, courante à l’époque ». Elle ajoute alors : « Je n’ai fait que l’appliquer ».
La cancérologue controversée exige l’individualisation des traitements
La thérapie ne change que très peu de celle habituelle. Elle repose sur le méthotrexate, une molécule injectée à des doses plus importantes qu’ailleurs. Nicole Delépine confirme sa démarche « Nous dispensons des quantités de plus en plus fortes tant que la tumeur n’a pas diminué de façon significative et que la tolérance du patient est satisfaisante. Mes confrères utilisent une dose fixe et des protocoles standardisés ».
La cancérologue controversée décrie l’individualisation des traitements. Quand Jean Michon, président de la SFCE (Société Française de Chirurgie Endoscopique) se défend en affirmant qu’« on ne peut pas parler de standardisation. Il existe par exemple dans le cas d’une tumeur du rein, au moins six approches différentes », Nicole Delépine rétorque : « insuffisant ! ».
Elle s’oppose également au dernier plan de lutte contre le cancer, présenté en février par François Hollande. Il prévoit en effet de «doubler en cinq ans le nombre d’essais cliniques» qui s’effectuent actuellement sur 25.000 patients. Alors que 1700 enfants sont touchés chaque année par cette maladie, elle regrette amèrement que ses « confrères soient contraints d’inclure toujours plus d’enfants dans ce type d’essais. Ils testent sur le patient de nouveaux produits développés par les laboratoires et de nouvelles combinaisons, plutôt que d’utiliser des traitements déjà reconnus comme efficaces ».
Le combat continue
Le débat est désormais ouvert : « Sa hiérarchie doit trancher. Soit ses pratiques sont opaques et risquées, soit elle a raison et il faut sortir des essais systématiques et se donner les moyens de traiter le malade de manière plus personnalisée » explique un cancérologue à l’AFP. Depuis trente ans Nicole Delépine travaille dans des hôpitaux publics malgré son discours radical. Mais depuis trente ans aussi, elle affirme que le taux de guérison de ses patients s’élève à 80%. Problème : elle ne peut comparer ses estimations aux résultats récents puisque les nouveaux standards méthodologiques exigent que toute étude soit basée sur les essais qu’elle refuse.
Les parents continuent leur combat. «Des médecins nous ont dit qu’Hugo ne garderait peut-être pas sa jambe», déplore Sophie Masset cette mère dont le fils a une tumeur au péroné. A Garches, « il a été opéré, cela s’est bien passé et aujourd’hui nous sommes dans la dernière ligne droite ». Véronique Mathet se bat également. Son fils, déclaré incurable à Poitiers a été opéré il y a deux mois du thorax. Une pétition contre la fermeture du service circule actuellement : elle présente déjà 20 000 signatures.