Interview : Julien Artu lance MyHospiFriends, 1er réseau social pour personnes hospitalisées
Rédigé par Clémentine Billé , le 24 March 2014 à 17h00
MyHospiFriends veut lutter contre l'isolement des personnes hospitalisées
Julien Artu veut humaniser l’hôpital. Fini les stéréotypes des murs trop blancs et de la nourriture trop fade, il souhaite donner un peu de gaité à ceux et celles qui passent beaucoup de temps dans les hôpitaux. C’est pourquoi il a créé MyHospiFriends, le premier réseau social destiné à connecter les patients d’un même établissement entre eux. Ce jeune homme présente son projet à Allo-Médecins, lancé aujourd’hui à l’hôpital Foch de Suresnes.
Allo-Médecins : Comment vous est venue cette idée ?
Julien Artu : En septembre 2011, j’ai eu le malheur de rencontrer en voiture un pilier de pont. J’ai été hospitalisé pendant plus de cinq mois avec notamment deux mois d’alitement. L’alitement impose que vous ne puissiez pas bouger de votre chambre. Cinq mois c’est très long et je me suis dit comment puis-je faire pour communiquer avec d’autres patients qui sont dans le même hôpital que moi. Je ne pouvais pas sortir de ma chambre, ma famille travaillant et n’habitant pas forcément à côté, les journées à l’hôpital étaient relativement longues. On vous propose la télé, si vous avez un ordinateur vous pouvez aller sur Internet mais vous êtes quand même coupé du monde. J’ai donc eu l’idée de créer ce réseau social qui permet de mettre en relation des patients qui sont hospitalisés sur le plus ou moins long terme en fonction de leur passion. Vous être fan de musique classique, via ce réseau social vous pouvez rencontrer quelqu’un qui partage la même passion que vous.
A-M : Quel est l’objectif de ce réseau social ?
J Ar : On est sur du lien social donc c’est la rencontre. Maintenant, de mon expérience d’ex-patient, je me dis que quitte à rencontrer quelqu’un, autant rencontrer quelqu’un avec qui j’ai des affinités, et donc c’est les passions. Il y avait deux orientations possibles : c’était soit la maladie, soit le côté affinitaire. On a décidé de partir sur le côté divertissement, avec l’idée de rompre l’isolement à l’hôpital grâce au lien social.
A-M : Pourquoi avoir choisi le divertissement plutôt que la maladie ?
J Ar : Le côté maladie était déjà exploité. Il y a déjà des réseaux sociaux qui suivent cette idée : il y a Patients like me, Patients world, etc. Et quand on est hospitalisé, en fait on cherche plus à s’évader de sa maladie plutôt qu’à y rester confronté.
A-M : Est-il destiné seulement aux patients, ou aussi à leur entourage ou au personnel médical par exemple ?
J Ar : C’est destiné exclusivement aux patients. L’hôpital a quand même un compte sur notre réseau parce qu’on se place également comme un vecteur de communication pour l’hôpital. Il peut diffuser des informations sur l’établissement, sur les innovations qu’il pourrait mettre en place, sur les associations de malades qui peuvent créer de l’évènement, il peut mettre son questionnaire de satisfaction en ligne et avoir les retours en direct. Il a également la discussion instantanée, ce qui fait que si le patient a une problématique il peut en faire part en direct à la direction.
A-M : Y a-t-il un apport supplémentaire par rapport aux personnes extérieures qui viennent tenir compagnie aux malades ?
J Ar : Le problème de ce genre de personnes c’est qu’ils peuvent venir vous voir une fois par semaine pendant dix minutes ou une demi-heure. Il n’y en a pas beaucoup, à tort d’ailleurs, et ça reste très limité dans le temps. Puis ça dépend des gens que vous avez en face. Si vous avez 15 ans et qu’on vous met en face un bénévole de 65 ans qui a le temps de venir vous voir, vous n’avez pas forcément envie de partager des choses avec cette personne-là que vous ne connaissez pas.
A-M : Pourquoi l’hôpital Foch a été choisi pour lancer cette initiative ?
J Ar : C’est un hôpital qui est aujourd’hui leader sur toute la partie greffe. Il reste la référence en France sur ce genre de choses. Il n’est pas très loin de nos locaux ce qui nous permet d’avoir une proximité de travail et de partenariat. C’est un hôpital qui s’oriente vraiment sur ses patients aujourd’hui et souhaite donner cette image de modernité. C’est une autre façon de dynamiser l’hôpital et de mettre en relation les patients qui sont parfois oubliés.
A-M : Pourquoi testez-vous d’abord le réseau social dans les services de pneumologie et de maternité ?
J AR : La pneumologie ou la greffe, c’est parce qu’il s’agit de personnes hospitalisées pour très longtemps et ils n’ont aucune possibilité de communiquer avec les autres patients de l’hôpital. Et pour la maternité, il peut y avoir des mamans hospitalisées pendant un moment car leur bébé est né quatre semaines ou plus avant le terme. On apporte aussi du contenu « maman » sur ce réseau, ce qui permet de communiquer avec elle sur la relation entre le bébé et la maman.
A-M : Ne craigniez-vous pas que certains patients, qui peuvent sortir de leur chambre préfère parler via la tablette plutôt qu’aller directement à la rencontre des autres ?
J Ar : Nous avons deux axes. Déjà, on donne la possibilité aux gens de se rencontrer car vous êtes quand même plus fort sur votre maladie lorsque vous êtes deux, et que vous êtes avec quelqu’un avec qui vous vous entendez bien. Soit vous allez vous rencontrer, boire un café ensemble et discuter, mais vous pouvez aussi utiliser la tablette en vous disant « aujourd’hui je ne veux rencontrer personne, par contre je veux bien discuter cinq minutes sur Internet avec quelqu’un qui est dans le même hôpital que moi ».
A-M : Le réseau social a été lancé aujourd’hui, vous n’avez donc pas de retour pour le moment ?
J AR : Les retours sont d’un point de vue grand public très positif. On travaille sur ce projet depuis un an et demi, et on a beaucoup de retours de patients sur les réseaux sociaux qui nous disent « ah c’est génial, si j’avais eu ça » ou « à chaque fois que je vais me faire traiter pour la sclérose en plaques pendant une demi-journée et on me propose rien ». Du côté de la presse on a de bons retours aussi car l’hospitalisation est très difficile, et vu la situation économique en France, ça ne permet pas d’avoir des services qui s’occupent du patient sans que ça ne lui coûte. Notre service est à la charge de l’hôpital donc c’est plutôt bien perçu par les patients.
A-M : Les malades hospitalisés à domicile peuvent l’utiliser ?
J Ar : Pas pour le moment mais on y pense. Il y a des personnes hospitalisées à très long terme à domicile et qui sont elles aussi coupées du monde. Vous avez l’infirmière qui vient à domicile, ou le kiné, ce qui fait que ces gens-là ne sortent plus de chez eux.
A-M : Allez-vous développer ce projet ?
J Ar : On rencontre pleins d’agences régionales de santé qui veulent nous implanter dans leurs hôpitaux. On voudrait aller dans des centres d’éducation, dans des centres cancérologiques. On va continuer notre développement au niveau national puis international. On a déjà des propositions en Espagne pour des cliniques, en Hollande et aux Etats-Unis. L’hôpital Foch est le premier, mais c’est loin d’être le dernier.
Nous remercions Julien Artu pour avoir répondu à nos questions. Allo-Médecins approuve cette initiatve qui assure la gratuité pour les patients et un simple accès par tout appareil connecté à Internet (Smartphones, tablettes ou ordinateurs). Vous pouvez découvrir MyHospiFriends juste ici !