Certains troubles psychiatriques et la toxicomanie sont liés aux mêmes déficits neurocognitifs
Rédigé par Marie Penavayre , le 20 August 2014 à 11h55
Des chercheuses de l'Université de Montréal et du Centre de recherche du CHU Sainte-Justine ont retracé les origines du trouble du déficit de l'attention avec hyperactivité (TDAH), du trouble des conduites et de la toxicomanie. Résultats : ces troubles sont associés aux mêmes déficits neurocognitifs.
TDAH et trouble des conduites : de quoi s'agit-il ?
Le trouble du déficit de l'attention avec hyperactivité (TDAH) est un trouble pédopsychiatrique caractérisé par des problèmes de concentration associés à une hyperactivité. D'après le manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-5), le TDAH n'est pas recensé comme un trouble du comportement mais comme un facteur potentiel du trouble des conduites.
Le trouble des conduites s’exprime chez l’enfant et l’adolescent par une palette de comportements qui vont de l’agressivité et de la désobéissance répétées, aux agressions physiques et au comportement destructeur. Ce trouble est marqué par une atteinte aux droits d’autrui et aux normes sociales.
Le TDAH et le trouble des conduites sont souvent associés à la toxicomanie. Cette étude avait donc pour objectif d’identifier les variables communes afin d’émettre des recommandations sur les thérapies éventuelles.
Analyse des réponses comportementales de 1 778 adolescents, suivis pendant 2 ans
L’étude a été menée auprès de 1 778 adolescents européens âgés de 14 ans. Pendant qu’ils effectuaient différentes tâches cognitives et répondaient à des questionnaires sur leur personnalité, l’activité cérébrale des adolescents a été visualisée par Imagerie par Résonance Magnétique Fonctionnelle (IRMf). Les chercheuses ont alors analysé leur sensibilité aux récompenses et leur capacité à prendre des décisions, et ont renouvelé l’expérience deux ans plus tard, avec les mêmes participants.
Identification des variables communes
En répertoriant la fréquence des différents troubles (troubles des conduites et/ou TDAH) identifiés chez chacun des adolescents et leur consommation régulière de drogue et d’alcool au début de l’étude et deux ans plus tard, l’équipe a pu déceler la nature des liens entre ces troubles psychiatriques et les facteurs de risque (toxicomanie) qui y sont associés.
Les chercheuses ont ainsi pu identifier les principales dimensions neurocognitives communes au TDAH, aux troubles des conduites et à la toxicomanie : gestes impulsifs, choix impulsifs (préférer les récompenses immédiates aux récompenses à plus long terme) et sensibilité aux récompenses.
Une comorbidité très fréquente
En psychiatrie, la comorbidité, c’est à dire la présence simultanée de plusieurs diagnostics, est très fréquente. Elle n'implique pas nécessairement la présence de multiples maladies, mais plutôt l'impossibilité d'émettre un seul diagnostic.
L’une des auteures, le professeur Patricia Conrod explique : « De multiples dimensions du fonctionnement cérébral sont en cause en matière de psychopathologie. Certaines de ces dimensions entraînent une multitude de troubles concomitants, tandis que d’autres déclenchent des problèmes précis. Cette étude précise donc les schémas de comorbidités, et notamment pourquoi TDAH et troubles du comportement sont si souvent associés à la toxicomanie ».
Cette étude s’inscrit donc dans une volonté de « décompartimenter » certains troubles psychiatriques, afin d’éviter un surdiagnostic et de réduire la stigmatisation :
« Nous avons récemment observé en psychiatrie une tendance qui consiste à reformuler les catégories diagnostiques dans une perspective dimensionnelle et neuroscientifique, en raison particulièrement des taux élevés de comorbidités entre certains troubles, et c'est exactement ce que nous faisons au chapitre des troubles et des problèmes externalisés. Nos constatations appuient cette nouvelle approche “dimensionnelle” de la recherche psychiatrique; elles démontrent que ces troubles et ces problèmes partagent des variables importantes, présentent des facteurs de risques communs et touchent en continu une partie de la population générale. »
Il s’agit donc pour les chercheurs d’envisager de nouvelles stratégies d'intervention et de prévention, et de surmonter les difficultés liées au diagnostic et au traitement des troubles psychiatriques concomitants. En clair, mieux détecter les cas de comorbidités chez les adolescents (ceux qui se sont vus diagnostiquer un TDAH et un problème de toxicomanie) en ciblant les 3 déficits cognitifs qui leur sont associés, permettrait de faciliter leur traitement.