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Focus : les addictions dans le milieu hospitalier

Rédigé par , le 08 October 2014 à 14h58

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Les différentes professions hospitalières ont facilement accès à toutes sortes de médicaments

Les différentes professions hospitalières ont facilement accès à toutes sortes de médicaments

Le drame de la maternité d'Orthez, qui a coûté la vie à une jeune femme le 30 septembre 2014, a révélé une faille dans le milieu hospitalier. Les addictions à l'alcool et aux substances illicites ne sont pas rares, notamment chez les médecins anesthésistes-réanimateurs, dont un de ces derniers est en cause ici.

Anesthésistes : une profession en état de turbulence

RAPPEL : Une jeune femme est décédée le 30 septembre suite à un arrêt cardiaque lors de son accouchement, dans la nuit du 26 au 27 septembre. L'anesthésiste, inculpée depuis pour homicide involontaire aggravé, a été mise en cause. Celle-ci aurait mal intubé la victime, la privant alors d'oxygène (tube inséré dans l’œsophage au lieu de la trachée).

Le problème, c'est que lors de sa présentation à la police, la médecin-anesthésiste avait 2,4 grammes d'alcool par litre de sang. Reconnaissant avoir un grave problème d'addiction, le cas de cette anesthésiste a levé le voile sur une situation qui est tue, mais bien présente dans le milieu hospitalier.

Après ce drame, la question s'intensifie autour de la profession d'anesthésiste. En effet, selon plusieurs études, cette profession serait particulièrement fragile et sujette aux addictions. En 2005, une étude de la Mission de la santé publique de l'AP-HP révèle que 10 % des médecins anesthésistes-réanimateurs (Mar) sont en état d'abus ou de dépendance à une addiction. Parmi ces 10 %, 59 % disaient abuser de l'alcool et 41 % de tranquillisants. 

Suite au suicide de 3 anesthésistes en 2009, le Docteur Max-André Doppia a mené une étude qui a dévoilé que 77 % des Mar affirmaient avoir eu connaissance de troubles de santé liés à une addiction chez un de leurs collègues.

Cette fragilité provient d'un rythme de travail effréné. Le Docteur Doppia, contacté par Europe 1, affirme d'ailleurs que « 25 % des postes de la profession sont non-pourvus. Résultat, les anesthésistes font des semaines de 60 heures ». Dans son étude, 40 % des participants souffraient d'une des trois dimensions du burn-out (dépersonnalisation, épuisement émotionnel et manque d'accomplissement personnel).

                                                     Les professions m?dicales peuvent aussi ?tre victimes de burn-out

Un manque de suivi et de prise en charge

Le souci, dans ces questions d'addiction chez le personnel soignant, réside dans leur caractère tabou. En effet, ces professions ont à leur charge la vie de patients, et évoquer leur potentielle dangerosité est délicat. De plus, les médecins, de toutes spécialités, sont eux-même très peu suivis médicalement. Pour le Docteur Doppia, « 80 % des médecins n’ont pas de médecins traitant et seulement 40 % d'entre eux se présentent à la visite de médecine du travail ». Le fait de se faire suivre est très mal vu dans la profession. Ainsi, lorsque Max-André Dropia a commencé à promouvoir un numéro vert d'écoute pour les Mar, les réponses de ses collègues ont été majoritairement sarcastiques.

Le personnel médical dispose également d'une facilité d'accès à toutes sortes de médicaments. « Malgré les contrôles des pharmacies hospitalières, certains arrivent [à s'en procurer]. Ils font ça discrètement et intelligemment », déclare Yves Rebufat, président du syndicat des anesthésistes-réanimateurs (SNPHAR) sur Europe 1. Ainsi, la combinaison d'un métier difficile fait de stress avec un accès facilité aux substances utilisées en anesthésie, peut rendre certains médecins potentiellement dangereux. « La facilité d'acquisition et d'utilisation de ces agents fait courir un risque particulier aux professionnels, médecins et infirmiers, travaillant en milieu anesthésique, et susceptibles de développer une toxicomanie », prévenait déjà une étude du département d’anesthésie-réanimation de l’hôpital Tenon (Paris) en 2002.

Selon le docteur Doppia, le drame d'Orthez « aurait pu être évité si la médecin en question avait bénéficié d'un suivi et d'une aide ». Il propose ainsi, dans ce sens, de mettre en place un traçage du « nomadisme médical », afin qu'à chaque nouvel embauche, les antécédents des médecins soient connus.

Une situation à relativiser

Cependant, les auteurs de l'étude de la Mission de santé publique de l'AP-HP temporisent leurs résultats. Bien qu'exposés, les Mar ne le sont pas plus que d'autres spécialités. Cependant, comme le notent les auteurs de l'étude, « ces problèmes doivent être identifiés le plus rapidement possible et faire l'objet d'une prise en charge adaptée pour préserver l'intérêt des personnes concernées, des équipes dans lesquelles elles travaillent et bien entendu des patients ».  Le docteur Doppia a tenu des propos similaires, insistant sur le fait que les Mar ne sont pas une spécialité à part.

La pression qui est mise sur les épaules des médecins dès le début de leurs études joue également un rôle dans le fait que certains d'entre eux se tournent vers des comportements illicites pour tenir le coup. Cette situation doit tout de même être relativisée. Le taux d'addiction chez les Mar et dans le monde hospitalier est beaucoup moins élevé que dans la population (1 % contre 15 %).

Si on ne peut considérer ce qui s'est passé à Orthez comme représentatif de la situation à l'hôpital ou d'une profession, cette situation a tout de même mis en lumière une certaine réalité du monde médical face aux addictions et à la dépendance. Une enquête doit également approfondir comment l'état de cette anesthésiste a pu échapper aux collègues et à la direction de l'établissement. 

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L'auteur
Laure Hanggi

Laure Hanggi

Rédactrice

Bio

Etudiante en histoire passionnée d'actualité en général et notamment des questions de santé moderne, en tant qu'enjeux de société. Voir plus

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