Quand la musique aide à lutter contre la dépression chez les jeunes
Rédigé par Laure Hanggi , le 31 October 2014 à 17h19
Une petite fille écoutant de la musique
Une étude irlandaise réalisée sur plus de 200 enfants et adolescents a prouvé, pour la première fois, que la musicothérapie pouvait être efficace dans la lutte contre les troubles psychiques et comportementaux chez les jeunes. Bien qu'associée à des antidépresseurs, cette thérapie alimente l'espoir d'un renouveau dans le traitement de ces troubles.
La musicothérapie : une autre façon de communiquer
Une étude menée par une équipe de la Queen's University de Belfast (Irlande du Nord) a démontré que la musique pouvait être une arme efficace contre la dépression chez les jeunes. Selon les résultats obtenus, une cure de musicothérapie, associée à un traitement d'antidépresseurs, améliorerait de manière significative les symptômes dépressifs chez les enfants et adolescents, comparé à la seule prise de médicaments.
Menée sur 251 enfants et adolescents de 8 à 16 ans ayant des troubles sévères psychiques ou comportementaux (un tiers souffrait de dépression), cette étude a confirmé ce qui avait déjà été constaté chez certains patients, mais sans jamais apporter de preuve scientifique sur cette population précise.
Durant 12 semaines, ces jeunes ont continué de prendre leur traitement, pendant que la moitié d'entre eux, choisis au hasard, participait en plus à un programme de musicothérapie. Animées par un spécialiste, ces sessions hebdomadaires d'improvisation libre d'une demie heure, proposaient à ces jeunes de s'exprimer en musique (raconter leur semaine, leur état d'esprit) au lieu d'utiliser des mots. La musicothérapie cherche en effet à développer une communication non-verbale. Les enfants pouvaient, de plus, soit jouer eux-mêmes soit faire jouer le professionnel, de divers instruments pour s'exprimer.
Des résultats sans appel
Afin d'établir leurs résultats, les auteurs de l'étude ont pris en compte différents facteurs pour évaluer la qualité et la quantité des échanges oraux et sociaux, l'estime de soi, la dépression ou bien le fonctionnement familial. Cette évaluation s'est faite en trois temps : avant et après le programme, puis trois mois après celui-ci. Après les 12 semaines dea musicothérapie, les chercheurs ont noté une réduction significative des symptômes dépressifs chez les enfants ayant suivi le programme. De plus, une amélioration de l'estime de soi et de la communication orale a également été constaté, notamment chez les adolescents (13-16 ans).
«C'est la première fois qu'une étude fournit des résultats robustes. En outre, le suivi à trois mois, toujours en cours, semble montrer que ces améliorations se maintiennent dans le temps. Elles sont certainement associées au choix du programme basé sur les échanges, la communication et la créativité » expliquent le Pr Sam Porter, responsable des travaux à l'université Queen de Belfast et son associée le Dr Valerie Holmes.
Généraliser cette pratique
Pour les auteurs de l'étude, il ne s'agit pas de vouloir remplacer les traitements médicamenteux, mais de proposer une approche thérapeutique complémentaire d'enfants dont la prise en charge peut être difficile. C'est le suivi à long terme qui permettra de dire s'il est possible de réduire les doses d'antidépresseurs.
S'il ne suffit pas d'écouter de la musique pour guérir, ces résultats « soulignent la nécessité d'inclure la musicothérapie dans les options de traitements traditionnels », affirme Ciara Reilly, responsable du Northern Ireland Music Therapy Trust. Les méthodes utilisées le plus fréquemment s'appuient sur les antidépresseurs, mais la FDA (Agence américaine des produits alimentaires et médicamenteux) elle-même met en garde contre le risque de pensées suicidaires générées par ces médicaments chez les jeunes, durant les premiers mois de traitement. Pouvoir réduire ces doses et développer la musicothérapie ne pourraient donc être que bénefique.
Il est aujourd'hui impossible d'expliquer ces effets de la musique. «Ce que l'on sait, c'est que la musique est un vecteur de plasticité cérébrale qui induit des remaniements entre des réseaux de neurones très vastes, avec notamment de nouvelles connexions. Cela profite à de nombreuses aires à proximité de ces réseaux: le fait du jouer du piano peut par exemple améliorer la motricité globale chez des personnes présentant une lésion cérébrale, le chant ou la création musicale peut faciliter le langage chez des individus aphasiques (trouble du langage) », illustre Emmanuel Bigand, professeur de psychologie cognitive à l'Université de Bourgogne (Dijon) et membre de l'Institut universitaire de France.
Selon l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS), la dépression est la principale cause de maladie et de handicap dans le monde des jeunes âgées de 10 à 19 ans (rapport sur les adolescents de mai 2014). En France, entre 2 et 3 % des enfants et 14 % des adolescents souffriraient de dépression.