Lorsque vous déménagez, vos microbes font le voyage avec vous
Rédigé par Marie Penavayre , le 03 September 2014 à 17h04
Poignées de porte, claviers d’ordinateur, toilettes… les microbes sont partout. Et même lorsque vous tentez de leur échapper, ils vous suivent à la trace jusque dans votre nouvel environnement. Pour nous en convaincre, des chercheurs de l’Université de Chicago ont retracé le cheminement des micro-organismes qui colonisent notre corps et notre environnement, jusque dans les méandres d’un déménagement…
Des microbes confortablement installés dans notre corps
On estime que plus de 10 000 espèces de micro-organismes trouvent refuge à l’intérieur de notre corps, principalement dans notre système digestif. Au total, nous abritons environ 5 millions de gènes microbiens, soit 100 fois plus que le nombre de gènes humains !
Bien que la population microbienne humaine soit composée d'agents potentiellement pathogènes, ceux-ci sont nécessaires au bon fonctionnement de notre organisme, et pas seulement pour notre système digestif. Sachez par exemple que le fait de posséder une grande variabilité de microbes réduit la vulnérabilité aux allergies.
Notre microbiote fait partie intégrante de notre identité biologique
Des études récentes montrent que la signature microbienne de chaque individu est unique, au même titre que notre génome. Elle reflète notre alimentation, notre patrimoine génétique, ou encore notre environnement. Comme le souligne le principal auteur de l’étude, Jack Gilbert, certains de ces microorganismes peuvent influencer notre poids et même le développement de notre cerveau.
Afin de préciser les interactions entre notre microbiote et les microbes de notre environnement, les chercheurs ont cartographié les signatures microbiennes de 7 familles issues de différentes régions des États-Unis. Pour cela, ils ont collecté chez chacun des volontaires les populations microbiennes des mains, des pieds, ou encore du nez, puis celles logeant au niveau des poignées de porte, des interrupteurs... Les échantillons prélevés ont ensuite été soumis à des examens microbiologiques afin d'en déterminer l’identité. Les chercheurs ont ainsi isolé plus de 21.000 espèces microbiennes différentes.
L’impérialisme des micro-organismes
Parmi les 7 familles, 3 ont séjourné temporairement dans une chambre d’hôtel, avant d’emménager dans une nouvelle maison. Après analyse, les chercheurs ont constaté que non seulement chaque famille présentait sa propre signature microbienne, mais surtout que celle-ci se propageait très rapidement dans leur nouvel espace de vie. En seulement 3 heures, les populations microbiennes des 3 familles avaient colonisé la chambre d’hôtel, et 24 heures leur suffisait pour envahir toute une maison.
D’après les chercheurs, la signature microbienne est telle que ces empreintes suffiraient à déterminer le nombre de personnes vivant dans une maison, à retracer leurs mouvements et même, à évaluer les relations qu’elles entretiennent entre elles. Les personnes entretenant des contacts très étroits entre elles comme les couples ou les parents avec leurs jeunes enfants, présentent en effet une faible variation microbienne entre eux. A l’inverse, les chercheurs ont observé une plus grande variation entre colocataires, ou entre les adolescents et leurs parents. Ils précisent par exemple que l’analyse des échantillons microbiens provenant de différentes parties d’une maison partagée par un couple et un autre homme, leur a permis d’affirmer que les hommes partageaient la même salle de bain, et que la femme en utilisait une autre. Un fait confirmé plus tard par le couple…
Quelles applications ?
Théoriquement, d’après les chercheurs, l’identification de microbes étrangers dans une chambre permettrait de prouver l’existence d’un adultère... Plus pratique, elle pourrait également servir à identifier le nombre de cambrioleurs ayant sévi dans une maison…
Si une base de données de profils microbiens n'a encore jamais été créée, le concept de signature microbienne pourrait donc bien être exploité un jour dans les services de police scientifique. Sachez d’ailleurs que le Pr Gilbert travaille en étroite collaboration avec le service de police de Hawaii…